Nous étions vendredi soir et le match qui opposait l’équipe des Serpentards à celle des Gryffondors battait son plein depuis plus de quarante minutes déjà. Les actions s’enchainaient à une vitesse folle, si bien que l’ensemble des membres des deux équipes sentaient la piqure de la fatigue élancer chacun de leurs muscles. Hiroshi, encore au poste de batteur à cette époque, n’était pas en reste. Plus les minutes s’engrenaient et plus il sentait de lourdes gouttes de sueur perler le long de sa nuque et finir leur course dans l’étoffe de sa cape qu’il avait solidement serré autour de son cou. L’usure provoquée par l’effort continu lui donnait l’impression que chacun de ses membres pesait une tonne. Hiro sentait l’humidité imbiber le cuir de ses gants autour de ses doigts accrochés à sa batte et il pouvait imaginer sans mal ses articulations blanchir tant il s’accrochait fort à son équipement. Aucune des deux équipes ne voulait perdre, tous savaient qu’ils étaient dans le dernier quart de l’action : c’était le moment où jamais pour briller. Si les Serpentards menaient d’un point très récemment marqué, le score avait été serré dès le moment où le jeu avait démarré.
On ne peux pas perdre comme ça, pas contre eux. Hiroshi avait eu beau regarder dans tous les sens lorsque les deux équipes avaient eu à se saluer, au début du match, il n’avait vu Avery nulle part. Il s'agissait pourtant de l’un des maillons forts de l’équipe des vert et argent. Promis à une carrière professionnelle prometteuse dans le monde du quidditch, Huang avait toujours vu en lui un adversaire mais aussi -et surtout- une source inépuisable de motivation. La preuve vivante qu’il y a toujours quelqu’un de meilleur que soi pour les bonnes raisons : par talent et à la sueur de l’effort. Par passion. Hiro avait sentit la bile de la frustration lui prendre la gorge dès qu’il avait comprit qu’Avery ne participerait pas au match. Pourquoi ?
Brusquement, un cognard méthodiquement envoyé par l’un des batteurs des Serpentard, vint lui caresser l’épaule gauche. Hiro jura et reporta son centre gravitationnel dans le sens opposé, espérant esquiver le coup, mais il sentit pleinement la morsure du projectile lui embraser le coude. Il avait été trop lent. Aussi préféra-t-il se laisser chuter sur trois bons mètres avant de rétablir sa position. Au moins le cognard ne le visait plus personnellement, un batteur de son équipe, posté par très loin d’Hiro avait réussi à le récupérer pour renvoyer la pareille aux Serpentard.
« Huang ! Rien de cassé ? » C’était son capitaine qui n’avait pas pu s’empêcher de s’enquérir de ses nouvelles. « Ouais ça roule. Mais où est ce putain de vif d’or ? » S’époumona Hiro tout en se massant le coude, endoloris. Cela faisait bien quinze minutes que les poursuiveurs des deux équipes se menaient un duel acharné, disparaissant derrière les structures des gradins par intermittences régulières. Le match s’étirait et Hiro avait assez d’expérience pour comprendre qu’il valait mieux pour tout le monde que le match s’interrompe rapidement grâce à l’intervention des attrapeurs. Tous les joueurs étaient à bout physiquement et moralement, puisqu’il s’agissait du premier match de la saison. Henry aurait de quoi faire car dénombrait déjà 4 blessés dont 1 sérieux dans l’équipe des rouges et or qui n’avaient eu d’autre choix que d'être remplacé.
Au même instant, le bruit caractéristique d’un cognard lancé à pleine vitesse bourdonna à son oreille et Hiro esquissa un quart de tour du bassin en levant sa batte bien haut. Heureusement son bras blessé n’était pas celui qu’il utilisait pour tirer. Contractant ses épaules, Hiroshi envoya la pointe de sa batte en plein dans le cognard et orienta son tir vers l’attrapeur drapé de verts qui évoluait quelques mètres plus bas. Si Hiro rata son coup d’un cheveu, cela suffit à déstabiliser le joueur qui préféra plonger plutôt qu’entrer en contact avec la balle folle. Son choix marqua la fin du match puisqu’au même moment l’attrapeur des Gryffondors fondit sur le vif d’or pour l’attraper à deux mains. La fin du premier match de la saison retentit alors, emplissant le terrain et ramenant le calme avec lui l’espace d’une seconde, avant que la joie tonitruante des supporters n’explose dans les gradins.
Enfin. Hiroshi se permit un soupir de fatigue, rassuré et heureux d’avoir gagné. Chacun des joueurs redescendit vers la terre ferme et Huang suivit le mouvement. Son coude l’élançait toujours douloureusement mais avec un peu de chance sa blessure n’aurait pas le besoin d’être soignée avec une potion de repousse os - qui était particulièrement douloureuse et redoutée par les joueurs. Hiro eu un frisson rien que d’y penser. Ses coéquipiers et coéquipières le héla, bienheureux, et Hiro leur répondit d’un sourire et d’un signe de la tête. Malgré leur victoire, le Gryffondor ne rêvait plus que d’un bon bain et des draps confortables de son lit. Il lui tardait de rentrer au dortoir pour se reposer un peu, avant de rejoindre les autres pour fêter la fin du match. C’était toujours la foire dans ces moments-là, car une victoire dès l’ouverture de la saison était lue comme la promesse d’une belle saison. Hiro ne croyait qu’à moitié à ce genre de légende urbaine, mais si ça pouvait panser les maux de certains et les angoisses des autres, alors pourquoi pas.
« Huang ! » Le héla son capitaine « Files moi ton balai, je le rapporte à ton dortoir. En contrepartie je veux que tu aille faire un crochet par l’infirmerie dès que tu seras de retour au château. Ne laisse pas trainer ta blessure au coude, je te connais. Tes frères seraient capables de s’acoquiner pour me faire un procès si jamais je te laisse sans rien dire. » Le Chino-japonais laissa échapper un rire franc et amusé. « Ouais cap’tain, ça marche. Merci pour le coup d’main. » Son vis-à-vis haussa les épaules, comme si sa gentillesse tombait sous le sens, et lui flatta l’épaule valide d’une tape amicale. Tandis qu’il s’éloignait vers la sortie du terrain, Hiro songea à quel point il pourrait débourser cher pour avoir l’occasion de faire deux trois brasses. C'était un merveilleux moyen pour se délier les muscles. La natation lui manquait et il n’y avait strictement aucun endroit où s’adonner à la natation à Poudlard. Hormis le lac évidemment, qui était strictement interdit aux élèves en dehors des évènements spéciaux organisés par l’école. La salle de bain des préfets, peut-être ? Des rumeurs courraient à son sujet, à propos de sa richesse et de sa grandeur. On racontait qu’il y existait plusieurs bassins de différentes profondeurs. Que la nuit les vitraux se paraient de la couleur de la lune, laissant entrevoir mille et une sirènes mouvantes. Toujours selon ces bruits de couloir, les bassins étaient si grands qu’on pouvait y nager de tout son saoul et se retrouver fatigué dès le premier aller-retour effectué. Un lieu emprunt de mystère, noyau de mille fantasmes, surtout dans l’imaginaire du japo-chinois. Mais malheureusement comme le nom du lieu l’indiquait, il fallait être préfet pour y avoir accès. Evidemment. Et cela faisait quelques années qu’Hiro n’espérait plus accéder à ce poste.
En parlant du loup.
Ah, Avery fils. Songea Hiroshi tandis que son regard, jusqu’ici perdu dans le lointain, s’accrocha au dessin musculeux des épaules du Serpentard. Certes, le garçon de trois ans son aîné, lui tournait le dos. Mais Hiroshi aurait pu reconnaitre cette haute stature et sa façon de se tenir bien droit, bêcheur, entre mille. Elle lui avait manqué aujourd’hui sur le terrain.
Une douleur vive lui remonta le long du bras et, comme si elle avait réussi à débloquer quelque chose chez lui, le gryffondor se dirigea à vive allure vers Avery. Sa main valide s’abattit sur l’épaule de celui-ci et s'y cramponna avec fermeté, comme pour l’obliger à faire volte face.
« — Avery ! C’est quoi ce bordel, pourquoi tu- »
Hiroshi se tu lorsque Lancelot tourna son visage vers lui, révélant le bandage qui lui barrait un œil. Le regard perçant du japo-chinois chercha un semblant de réponse, n’importe quoi, dans celui de son interlocuteur mais il ne réussit pas longtemps à soutenir le regard polaire qu'il lui renvoyait.
« — Par Merlin. »
Les yeux d'Hiro n’avait de cesse de migrer entre le bandage et l’œil valide d’Avery, ne sachant sur quoi s'arrêter ni même comment recevoir l'information. Certes Hiroshi avait entendu des rumeurs à son sujet, mais il ne pensait pas que la situation était si grave.
« — Que t’est-il arrivé ? »
S’essaya-t-il malgré les circonstances. Sa main valide, toujours posée sur l’épaule du serpentard, migra une seconde vers le visage de celui-ci, dans un réflexe purement affectueux. Comme si le toucher suffirait à lui assurer qu'il s'agissait de la réalité. Le genre d’automatisme que Huang avait avec à peu près toute personne de son entourage. Cette fois pourtant, sa conscience le retint malgré tout, in extremis. Il appréhendait la réaction d'Avery, évidemment. Pire que de la dynamite, Hiroshi savait qu'un rien suffisait à le faire sortir de ses gonds. Comme lui.
Dernière édition par Hiroshi Huang le Dim 9 Aoû - 23:33, édité 5 fois