« —
Félicitations frangin. J’suis fière de toi ! Hiro-nii en couple ! Hiro-nii en couple ! Hiro, Hiro ! Hiro-nii en couuuuuple ! »
Je ne peut m’empêcher de lui sourire en constatant sa bonne humeur. J’avais bien remarqué que, tout au long de mon monologue, Chizu était passée par une multitude d’expressions différentes. De la réprobation lorsque je lui avais fait part de ma petite bagarre avec Lancelot ; à la compréhension quand je lui avais expliqué pour la demoiselle qui avait passé la soirée pendue à son bras ; à la joie pure et simple quand je lui avais enfin avoué la résolution finale de la situation… Parce que la dernière-née Huang était comme ça : aussi expressive qu’un livre ouvert. Mais au fond c’était l’une des caractéristiques qui contribuait le plus à son charme selon mon humble avis de grand frère.
Je rigole en lui ébouriffant les cheveux et poursuis mes explications en m’amusant de sa mine réprobatrice face à mon geste. Chi-chan opine du chef lorsque je lui fais part de mes doutes et de mon envie de ne pas placer la charrue avant les bœufs… Sur ce coup-là je ne prend pas trop de risque en confiant mes maux de cœur à ma sœur. Puisque, si nos caractères ne sont pas les mêmes, nous avons un peu la même vision des choses. Nous abordons les situations à peu près de la même manière. J’étais donc sûr qu’elle me comprendrait, et mes doutes avec.
Finalement je me décide à changer de sujet du tout au tout en abordant l’épineux dossier nommé «
Logan » et je comprend instantanément que cela n’est pas la meilleure idée que j’ai pu avoir cette année. L’expression de Chizu change du tout au tout ce qui réveille en moi cette petite alarme de panique. Je penche la tête en avant pour mieux voir ses traits tandis qu’elle m’explique la situation. Tout d’abord je crois déceler une part d’ironie dans ses mots mais cela ne lui ressemble pas. Il doit y avoir une autre explication… Explication qui vint rapidement, d’ailleurs.
« —
Mais tu sais euh… moi j’ai rien à dire en fait. Tu sais tout… ce qu’il y a … à savoir… »
Elle se tourne dans la direction opposée à la mienne en me tournant presque le dos et mes sourcils se froncent. Si j’aime moyennement qu’on m’ignore de la sorte c’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de quelqu’un que j’apprécie. J’ai toujours été du genre à estimer qu’une part de vérité se cachait dans le proverbe «
les yeux sont le reflet de l’âme ». Si bien que j’ai la fâcheuse manie de planter mon regard dans celui de mon interlocuteur en tout temps comme pour m’assurer de la véracité de ses dires. Privez-moi de ce contact et vous pouvez être certain de sentir mon irritation grimper en flèche. Je la vois hausser les épaules puis son regard recroise le mien le temps d’une seconde avant de bifurquer à nouveau ailleurs, vers ses cuisses.
« —
J’ai un crush sur ce gars. C’est un étudiant, grand, beau, inaccessible. Je n’ose pas y aller et tout le monde se fout de moi. Fin de l’histoire. »
Je tique en me renfrognant tandis qu’elle soupire. Je croise mes bras sur mon torse et je lâche un bruit buccal caractéristique comme un «
tss » passablement irrité. Mais qu’était-il arrivé à ma sœur, d’ordinaire si pleine d’assurance et prête à mettre les deux pieds dans le plat avant de songer aux conséquences ? Où était passé le sang gryffondor qui coulait indéniablement dans ses veines ? Chizu se justifia justement comme si elle avait entendu le fond de mes pensées et mon regard se reposa sur son visage tourné aux trois quarts. Toute cette histoire semble tant la pesé que s’en est déchirant pour moi. «
J’ai peur de personne d’ordinaire » me confie-t-elle. J’hausse les sourcils. C’est justement pour cette raison que j’ai du mal à comprendre la situation. Finalement ma jolie brune préférée se retourne vers moi sans pour autant relever le regard vers le mien. Je suis à deux doigts de lui prendre le menton entre le pouce et l’index pour la forcer à reprendre un peu du poil de la bête, lorsque je prend conscience de ses yeux humides.
Merlin tout puissant…. Un frisson me parcourt l’échine et il me faut bien dix secondes avant que je ne décide de la meilleure marche à suivre. Il s’agit de ma sœur ; je ne peux pas me contenter de la secouer comme un prunier, ou d’hausser le ton en me montrant virulent comme je peux si bien me permettre de le faire avec les garçons…je ne tiens pas à la blesser.
Puisqu’elle a l’air de si bien réussir à le faire elle-même. Elle relève son joli regard émeraude vers le mien avec sa moue d’enfant triste et je sens mon cœur s’émietter douloureusement. J’ai littéralement l’image en tête. Ma bouche esquisse un sourire en coin à mi-chemin entre l’air compatissant et peiné. Je n’avais pas imaginé une seule seconde, que la situation prendrait une tournure pareille, en quittant la grande salle à sa suite.
« —
Enfin… j’imagine que tu vas me dire : vas le parler. Nia nia nia. Mets une jolie robe. Tu parles. Il me regardera jamais, j’suis qu’une pauvre cruche qui se transforme en lapin quand elle arrive pas à affronter les choses.—
Mais non, ne raconte pas n’importe quoi… »
L’instant qui suit je la vois se métamorphoser devant mes yeux. C’est le genre de chose qui arrive assez rarement…le plus souvent elle le faisait à la maison parce que notre mère adorait la voir sous cette forme et n’hésitait jamais à la couvrir de caresse et de gestes tendres dans ces moments-là. Quant à moi, qui avait un peu plus de mal avec ce genre d’élan affectueux, le plus souvent je me contentais de lui céder un peu de place sur le divan en ne sourcillant pas lorsqu’elle avait cette fâcheuse manie de venir se coller contre ma cuisse à la recherche d’un peu de chaleur…même si son duvet laissait invariablement de petits poils noirs un partout dans ma maison et sur mes vêtements. Ce qui avait le don de m'irriter.
Je la regarde esquisser un saut pour se retrouver sur mes cuisses et son regard vient chercher le mien tandis qu’elle penche un peu la tête sur le côté.
« —
Et à Logan, tu lui a déjà fait ta petite mine penaude de lapine attristée ? Je suis sûr qu’il ne pourrait pas y rester indifférent…ou alors c’est qu’il a un rocher à la place du cœur. »
Je rigole un peu en passant mes doigts dans son pelage couleur pétrole. Si certains auraient pu trouver cette métaphore pas très positive, moi, au contraire, j’y trouvais une certaine beauté. Car à bien y regarder, son pelage d’un noir aussi foncé que le pelage des «
chats de sorcières » – comme le disaient si bien les nés moldus – paraissait parfois refléter les rayons verts-bleus de la lune. Comme à cet instant précis. Je sens mes lèvres esquisser un sourire tendre tandis qu’avec des gestes doux je passe mes doigts autour de sa cage thoracique pour rapprocher son petit museau frétillant de mon propre nez. Je ne peux m’empêcher de bouger un peu ma tête pour lui offrir un baiser pingouin et ris un peu lorsque son pelage me chatouille.
« —
Je t’ai connu plus confiante que ça par le passé… Je suis sûr que tes hormones te malmènent sans raison… Ça doit être à cause de ses épaules larges de gardien…ça rendrait dingue n’importe quelle âme en mal d’amour. »
Je ris à nouveau en déposant Chi-chan sur mon épaule pour éviter qu’elle ne me morde au visage.
« —
Bon pas moi, évidemment, puisque maintenant j’ai Lancelot pour me combler mais… Il est vrai que Winchester en jette un max. Surtout sur le terrain... Moi aussi si j’avais été poursuiveuse j’en aurai sans doute laisser échapper quelques souaffles. »
Fis-je pour l’embêter un peu en lui ébouriffant le poil avant de ralentir pour simplement la caresser l’air pensif.
« —
Franchement il n’y a pas de raison pour que tu te mettes dans des états pareils. Tu es bourrée de charme et s’il n’est pas capable de les voir c’est qu’il ne te mérite pas… Après, effectivement je suis tenté de te conseiller de foncer dans le tas…pas forcément en portant ta plus jolie robe, parce que ça ne te ressemblerait pas trop…ni en essayant de lui casser la gueule comme j'ai pu le faire...mais au moins en osant lui adresser la parole… Essaye, pour voir comment il réagit, pour vérifier la température entre vous deux, si tu préfères… Puis tu verras bien ce qu’il se passera à ce moment-là. »
Mes mains se serrèrent autour d’elle et je penchais la tête pour coller ma joue contre le sommet de son crâne. Sa chaleur était rassurante, j’aimais bien l’avoir contre moi comme ça. Même si au premier abord le fait qu’elle soit ma sœur m’avait toujours un peu dérangé – ce qui m’avait retenu de m'adonner à l’aspect tactile de ma personnalité avec elle, lorsqu’elle revêtait cette forme.
« —
Rester dans son coin en se triturant les méninges n’est jamais bon… Et surtout ça mène rarement à une issue positive si tu veux mon avis. »
Quelques élèves firent mine de sortir de la grande salle. Le banquet allait sans doute bientôt se terminer. Je sentais déjà le poids de quelques regards tournés dans notre direction et me contentais de me remettre sur mes pieds avec une expression neutre, en les saluant d’un «
bonsoir » avant de m’éloigner vers le parc de Poudlard.
« —
La brise fraîche de cette fin de soirée nous fera le plus grand bien à tous les deux. »
Me contentais-je d’expliquer à Chizu en débouchant dans le hall de l’école. Lorsque nous passâmes les portes qui menaient à l’extérieur, une bourrasque s’éleva en faisant bruisser les feuilles des arbres aux alentours. Je m’arrêtais une seconde pour en profiter les yeux mi-clos, soupirant d’aise à la caresse du vent dans mes cheveux longs. Nous étions encore à une saison où il faisait bon de traîner dehors le soir. Même moi, qui d’ordinaire était plutôt frileux, avec la chaleur de Chizu qui irradiait doucement contre mon épaule, je me sentais capable de rester ainsi des heures durant.
Je souris en grattouillant Chi-chan derrière ses oreilles de lapines, là où je savais pertinemment que mon geste ferait mouche.
« —
S’il te fait du mal je lui brise les deux genoux à coup de cognards, de toute façon… Je ne vois pas pourquoi tu te fais autant de soucis. Vraiment. »