J'étouffais un énorme bâillement devant le Purge & Pionce Ltd, aka le magasin de fringues éternellement en travaux de Londres. Bien, ça ne m'avait pris que 32 heures pour arriver ici. Trois fois rien. Levé aux aurores la veille pour prendre le premier ferry en direction Holyhead. Mon père était déjà sur les docks, et maman était rentrée tard comme à chaque fois qu'elle faisait la fermeture de son bar. Je l'avais entendu ronfler en passant devant la porte donc d'était bon, personne ne se rendrait compte de mon départ avant plusieurs heures. J'avais tout de même laisser un petit mot pour dire que j'partais à Londres pour un truc à régler, et qu'il y avait pas à s'inquiéter. Ce qui était vrai, j'avais ma super baguette planquée à l'intérieur de ma veste de motard, rien pouvait m'arriver ! J'aurai bien pris la Harley qui allait avec la veste, mais ça aurait vraiment été con que j'me fasse arrêter en pleine fugue pour des détails comme une absence de permis, une moto non-homologuée avec deux ou trois pièces tombées du contener, et euh, bah le fait que j'suis même pas en âge pour conduire une bécane pour commencer. A la place j'avais donc pris des sandwich, une bonne bouteille d'eau, un T-Shirt et un boxer de rechange (la propreté avant tout) et l'argent que j'avais mis de côté pour m'acheter les Pokemon Let's Go. Oui j'achetais les deux en même temps, car de 1, j'aimais avoir mon pokedex moi, et deux, comment choisir entre pikachu et évoli ??? Mission impossible. Mais le dilemme avait été résolu pendant que les billets disparaissaient entre les mains du guichetier du ferry. Lancelot il aurait pas pu choisir un autre moment pour se faire défoncer par sa mère sérieux ?

Une fois en Grande-Bretagne, c'était parti pour le stop. J'devais faire ça discrètement car malgré les poils qui commençaient à me pousser sur le menton, j'avais encore un peu trop une gueule de mineur pour pas me faire embarquer par des flics trop enthousiaste, ou par un pervers dans un gros camion. Quoiqu'à choisir, j'préférais encore la deuxième option. ACAB, on le dira jamais assez. Bon, j'avais bien été pris en stop par un camionneur, mais dont la décoration de l'intérieur de la cabine respirait une hétérosexualité beauf tout à fait rassurante. Puis ça avait été un jeune couple qui avait été attendri par mon histoire d'ami à l'hôpital (c'est cool, j'avais même pas eu à mentir) et qui m'avait laissé partagé la banquette avec un gros berger allemand qui m'avait allègrement bavé dessus. J'ai rien dit, franchement j'suis si canon que moi aussi j'me baverai dessus si j'me voyais. Puis j'avais marché un peu et quand j'étais arrivé à Saint-Mangouste... La gentille dame de la réception m'avait dit que les visites étaient fermées et de repasser demain.
Bon. J'aurai pu dépenser ce qui me restait d'argent dans une auberge de jeunesse, maiiis je n'avais pas totalement abandonné l'idée d'avoir mes précieux pokémons. On était en été, il pleuvait pas, c'était donc parti pour la grande aventure ! N'ayant pas trop envie de me taper avec un sans-abri pour avoir pris malencontreusement son banc attitré dans un parc, j'ai patiemment attendu sur l'un d'entre eux, et une fois sûr que personne ne vienne le réclamer, je l'avais fais mien pour la nuit <3 Eh bien je mets 3/10 sur TripAdvisor à ce parc ! Banc dur et froid, peinture écaillée, des mecs chelous qui rodaient, les nuits étaient pas si chaudes que ça en été, et en plus la rosée du matin dans la gueule, franchement je recommande pas.
J'avais dû dépensé 2 de mes précieux livres pour un café chaud dans un bar après. Je m'étais débarbouillé et changé de leurs toilettes, et me voilà prêt à retrouver le visage plein de joie de mon chevalier préféré !

C'était un gentil monsieur cette fois à l'accueil. Et la façon dont il a froncé le nez m'a indiqué que je devais pas sentir très bon, ou même avoir l'air très propre, malgré mes honorables efforts. J'avoue, j'ai craqué et me suis curé le nez avec la pointe de ma baguette pour voir s'il allait vomir sur son bureau tout blanc. Asling O'Cuinn, toujours partant pour faire rayonner les nés-moldus dans le monde sorcier ! Malheureusement, il a gardé le contenu de son estomac, à l'intérieur de son estomac, et il s'est empressé de m'indiquer dans quelle chambre était Lancelot. 4ème et avant-dernier étage.
J'sais pas si c'était la fatigue, le fait que j'avais mangé mon dernier sandwich hier soir, ou le stress, mais je me suis senti un peu nauséeux. T'es censé dire quoi à un pote qui a perdu un œil à cause de sa mère ? J'veux dire, mon père il m'a cassé le bras une fois, 'fin plutôt les escaliers dans lesquels il m'a fait tombé, mais je l'avais toujours quand j'suis sorti de l'hôpital quoi, mon bras. C'est ça qu'on devrait apprendre à Poudlard, plutôt qu'à transformer des allumettes en aiguilles. Mais je m'étais pas tapé pour ça, le ferry, le chien qui bave, le parc, et surtout, la perte de pikachu et d'evoli pour reculer maintenant ! Arrivé devant le numéro de la porte qu'on m'avait indiqué, je frappais deux bons coups de poing dessus, avant de l'ouvrir, mon éternel sourire accroché au visage. Car si il y avait bien un moment où j'devais assurer le show, c'était maintenant !

Hellooo Sire Lancelooot ! J't'ai manqué, chevalier de mon cœur ?

Qu’est ce que tu fais là ?

Tellement de réponses possibles à cette question. Un océan de vannes. Une mer de blagues. Un territoire entier de l'humour à conquérir. Du moins ça aurait été le cas si j'avais pas été pris par surprise par l'apparence de Lancelot. J'l'avoue, j'm'étais pas préparé. Déjà bah, parce que j'préparais jamais rien pour commencer, ensuite parce que la réalité elle correspond jamais à ce que tu as imaginé. Genre comme la première que tu vas rendre visite au parloir. Tu t'imagines des trucs incroyables, des mecs avec des gros biscottos dans des tenues oranges comme dans les films, des flics armés aux quatre coins de la pièce, des torrents de larmes et des plans d'évasion. Puis en fait t'as juste une paroi de plexiglas, et un vieux téléphone pour parler sous un éclairage glauque, dans une pièce qui sent le produit aseptisant. Très décevant.
'Fin, là j'vous cache pas que j'aurai préféré être déçu plutôt que de voir mon pote dans cet état. Il a des bandages plein la tronche, il est tout blanc, tout maigre. Vraiment, si j'prenais une photo de lui pour l'envoyer aux messieurs du dictionnaire, ils la mettrait en exemple de la définition du désespoir. J'suis pas le meilleur en cours, mais même moi je sais que les guérisseurs (ouais, eux ils ont pas de vulgaires médecins comme ces sous-êtres de moldus, mais des guérisseurs siouplaît, toujours à s'la péter pour un oui ou pour un non ces sorciers) ils peuvent pas grand-chose contre les blessures causées par la magie noire. Donc ça doit pas être très cool ce qu'il y a sous le pansement. Lancelot est borgne. Mon pote, mon premier crush poudlardien est borgne. J'sais pas ce que ça fait, mais ça me fait quelque chose, et pas quelque chose de très agréable.

Cependant, j'perds pas le sourire. On fait pas dans la pitié chez les O'Cuinn, jamais, sinon on s'prend une bonne droite pour avoir une raison de s’apitoyer. Et moi, j'avais décidé longtemps de sourire face à ce qu'on m'envoyer dans la gueule. Ah ouais, on a décidé que ma vie elle serait en mode difficile sans me consulter ? Bah moi j'vais l'exploser, et avec le sourire pour la peine ! Gamer un jour gamer toujours. Nah.
Je referme la porte derrière moi, lançant avec un entrain absolument déplacé dont je suis vraiment très fier (des années de travail après tout d'être aussi chiant !) :

Tu m'connais, j'avais de la tune en trop, et j'me suis dit "Hey, si j'allais voir mon chevalier préféré ?" Et me voilà !

Et comme j'me suis pas tapé 32h de route et perdu momentanément le jeu de mes rêves tout ça pour faire demi-tour à l'arrivée parce que Sire Lancelot était grognon, et recroquevillé sur lui-même comme un enfant apeuré.... ouais, j'peux faire le grand, ça fait pas mal mal quand même comme vision... je m'avance dans la pièce. Pourvu qu'il se mette pas à pleurer, j'savais pas gérer les pleurs, mais genre vraiment, c'est au-dessus de ma force ça, donnez moi un troll à affronter plutôt, ou même le jeu E.T sur Atari !
Mais si il est possible que j'ai ressenti une toute petite pointe de regret à 4h du matin, en me rendant compte que ce parc était dépourvu de toilettes publics, j'étais désormais sûr d'être là où je devais être. Genre, la dernière fois où j'avais été aussi sûr, c'était quand j'ai dit à soeur n°1, qui s'en battait allègrement les ovaires cela dit, que la Wii U allait faire un flop. Eh bah ça a pas loupé ! Eh bien là pareil. Impossible que Lancelot reste seul dans cette chambre moche à broyer du noir ! Il avait besoin au minimum d'un gros câlin ! Bon, p'tête pas tout de suite, j'aurai un peu peur qu'il me morde, mais j'partirai pas d'ici avant qu'il est eu un gros câlin, foi de Ash ! Et comme il faut toujours percé l’abcès comme ça c'était fait, c'était réglé, on en parle plus, je continuais sur ma lancée :

Elle t'a pas raté ta génitrice ! Mais t'inquiète, les filles elles adorent les cicatrices, parait que ça donne un air viril ou j'sais pas quoi. T'auras toujours autant de succès !

Je m'assieds à la chaise pour invité, du côté de son oeil en bon état. J'lui fis pas l'affront de lui demander, car même un abruti dans mon genre voyait que c'était [très;+∞] mal. A la place je m'avachissais dans cette chaise 5 étoiles (n'importe quoi ayant un cousin m'aurait paru 5 étoiles). Et là, je l'avoue, j'ai eu un moment de faiblesse, la faute au fait qu'il me restait plus qu'un paquet de cigarettes sur les deux que j'avais emmené on va dire. Mon sourire s'adoucit, et j'lui sortis la phrase la plus niaise, la plus pourrie au monde, vraiment j'me serai foutu des baffes si j'avais pas peur qu'on m'enferme dans une autre chambre :

Moi j'te trouve toujours aussi beau en tout cas.

Ce qui était vrai hein. Borgne ou pas, Lancelot restait mon chevalier. Puis il serait trop canon avec un bandeau sur l'oeil j'suis sûr, Albator a qu'à bien se tenir !

Outch. Trop tôt pour les compliments apparemment. Quelqu'un d'autre que moi ce serait peut-être découragé mais je suis un putain de blaireau ! La loyauté avant tout ! Puis c'était toujours mieux que Lancelot exprime sa colère, plutôt que de la ruminer dans son coin non ? Enfin je crois, ça me paraît plus... sain ? Toutefois, la vision de toute cette nourriture, sans nul doute dégueulasse comme toutes celles que l'on trouve dans les hôpitaux certes, mais nourriture quand même, suffit à me détourner de ma mission sacrée, celle de sauver le chevalier Lancelot du grand vilain trou noir de la déprime. Mouais, un peu trop long comme nom de méchant, je ferai certainement mieux le ventre plein. L'estomac gargouillant, je pris sans me faire prier le plateau.

Putain, merci, j'ai trop la dalle !

Je me mis donc à me baffrer (déso, pas d'autre terme rendant justice à la vitesse à laquelle je mettais les aliments dans ma bouche) tandis que mon poto Serpentard me tournait le dos. Ça me va aussi, y a pire comme vision dans la vie pendant un repas, genre Wini lançant des regards énamourés à son crush du moment (euuuuurk putain, ça m'a pas manqué ça, comment une personne aussi géniale qu'Alix peut avoir ça en cousine ? Vraiment la génétique ça me dépasse). Sa cicatrice me saute alors au yeux, et je me demande à quel point c'est douloureux. Henry n'a pas été très descriptif dans sa lettre, et j'sens que si j'demande à Lancelot quel sort il s'est pris, j'allais déclencher une crise de type mondiale. Ma curiosité attendra donc encore un peu ! Genre deux heures ? C'est bien deux heures non ? La bouche pleine, je répondais à sa question avec un enthousiasme plein de postillons et de miettes de petit-déjeuner :

C'est M'sieur Southman qui m'a envoyé une lettre avant-hier. Eliavres doit en avoir reçu une ? J'lui pas demandé, z'ètes chiants les sorciers à par avoir de portable comme tout le monde ! Y avait écrit que t'avais perdu un oeil à cause de ta mère, et que t'étais à Saint-Mangouste. J'avais jamais vu l'hôpital alors c'était le moment ! Mais c'est très décevant, y a juste des malades bizarres et des types en robes vertes, c'est pas super différent de chez les moldus.

J'aurai bien aimé qu'Eliavres soit là aussi d'ailleurs. Lui il serait sûrement comment réconforter Lancelot ! Il le connaît mieux que moi, et depuis plus longtemps, son gros cerveau trouverait sûrement plein de trucs ! Mais bon en attendant, notre chevalier-serpent allait devoir se contenter de moi. Ouais, j'comprends, je serai déçu aussi à sa place. Profitant qu'il soit d'humeur bavarde et généreuse, je profite pour lui demander :

J'pourrais utiliser ta douche aussi ? J'ai pas pu me laver hier et j'crois que je sens pas très bon. Le type à l'accueil il a fait une tête trop dégoûtée quand il m'a vu, c'était trop drôle ! J'pourrais te peigner les cheveux aussi si tu veux, ils sont tout emmêlés là, c'est dommage. Ils sont beaux tes cheveux.

J'suis peut-être pas super à cheval sur la propreté, mais j'ai mes limites aussi ! Puis ça serait mieux pour faire un câlin à Lance qu'il s'évanouisse pas parce que je pue trop ! Et si j'pouvais pas faire grand-chose pour aider Lancelot, vu que je suis qu'un gosse et tout ça, j'pouvais au moindre prendre soin un peu de lui. Moi j'aimais bien quand maman me brosser les cheveux quand j'étais petit, ça me détendait. Et c'est pas la mère de Lancelot qui devait le faire pour lui. Le pauvre, il avait peut-être personne pour lui démêler les cheveux à part un elfe de maison moche ? Ah non, ça serait trop triste ! Il a dû se sentir si seul... Pour la première fois depuis que je suis arrivé, je tends un main la poser gentiment sur son épaule du côté non-blessé. Je le sens trembler sous ma paume et ça me coupe l'appétit direct. Boarf, j'ai déjà bien mangé de toute manière. Je repousse le plateau de mon autre main.

Tu en penses quoi ? Ça te ferait du bien non ?

Je frotte mon pouce sur son épaule. Je suis là Lancelot. Je te lâcherai pas, foi de O'Cuinn.

Okay je note, ne pas toucher Lancelot par surprise. Ça aurait peut-être dû me paraître logique avant même de le faire, vu qu'il avait manqué d'être tué par sa mère et tout ça, mais euh, y a pas traumatologie à Poudlard, donc pas ma faute. Je sentis une réelle colère, comme j'en avais que rarement ressentie envers cette femme que j'avais jamais rencontré de ma vie (et heureusement pour moi vu ce que j'savais d'elle, elle aurait été capable de me Adavra Kadavrarise la tronche). Comment avait-elle pu transformer mon beau et fier chevalier en cette petite chose faible et fragile ! Franchement, si j'l'a rencontrais un jour, j'lui éclatais la gueule façon moldue, vieille ou pas !
Je ne retirai pas ma main cependant, frottant son épaule de mon pouce jusqu'à ce qu'un infirmière entre. Je me levai pour lui faire la place. Comme j'avais pas spécialement envie de me faire mettre dehors, ou de voir ce qu'il y avait sous les pansements de Lancelot, je n'attendis pas pour filer dans la salle de bain.

Ouais regardez j'y vais là ! Et hop je suis plus là... Magie !

Je refermai la porte sur ce dernier mot amusé. Le grand luxe, y avait une douche, des toilettes, du produit douche, et même les serviettes propres que m'avait promis Lancelot ! C'était désormais, et officiellement, ma nouvelle pièce préférée de Saint-Mangouste. Me désapant rapidement, laissant tout en boule sur le sol, je me glissai avec bonheur sous le jet chaud et puissant. Aaaah, ça m'avait tellement manqué. Tandis que je me lavais vigoureusement le corps de toute la crasse accumulée sur la route, et aussi parce que j'avais le temps avant que l'infirmière quitte la chambre, je fis l'activité des gens favorite sous la douche : non pas chanter, faire pipi, ou d'autres trucs encore moins catholiques, mais penser au sens fondamentale de l'existence. Plus précisément, de mon existence ici, à l'instant T, et de celle de Lancelot. On va être honnête, ça a pas été réussite jusqu'à présent. Lancelot était encore plus bousillé que ce qu'j'avais pensé, et tellement fermé qu'il avait pas esquissé un seul début de sourire à mes supers blagues ! Et ça vraiment faut le faire ! Pour la première, j'doutais de ma capacité à faire en sorte que ma présence soit cool pour lui. Puis même moi j'commençais à déprimer sévère avec tout ça. Vraiment, même me péter le bras était une expérience plus agréable que de voir mon pote comme ça. En plus, maintenant que mon corps était tout détendu grâce à la douche chaude, le manque de sommeil venait toquer à ma tête. Naaaaaan, pourquoi tout se ligue contre moi comme ça. Plus jamais j'fugue, c'est bon j'ai compris, on arrête la punition divine merci.

J'étais tout rouge et tout fripé lorsque je ressortis de la douche. J'allais fondre et/ou m'endormir et/ou me noyer si j'restais plus longtemps, puis la dame elle devait avoir fini son travail là. Je me rhabillais et je plaquais mon oreille contre la porte. Nop, j'l'entendais plus, elle avait dû voler faire sa super-nurse ailleurs. Ce qui voulait dire qu'il était tant pour moi de faire mon retour sur scène. Bon, et bien, the game is on comme dit l'autre sociopathe hautement fonctionnel ! Recollant un grand sourire sur ma figure, j'ouvris la porte :

Ça manque d'infirmière sexys ici ! Tu m'étonnes que tu déprimes.

Je me laissais plus tomber sur la chaise que je m'y assis. Raaaah, mais même elle était trop confortable, comment puis-je lutter contre le sommeil dans ces conditions ?! J'pouvais même pas fumer en plus. Car si j'le faisais j'devrais ressortir et donc laisser mon poto tout seul dans cette chambre glauque et ça c'était non ! Eh ouais, y a un moment pour dire non à la drogue, et ce moment était maintenant !
Je m'avachis, en me privant pas pour bailler bouche grande ouverte, laissant voir à Lancelot un aperçu de ma gorge que je ne doute pas être superbe ! Bon, vu que rien n'avait marché jusqu'ici, et que j'étais trop claqué pour chercher des idées, il restait la solution la plus simple et efficace. Demander !

J'peux faire quelque chose pour chose pour que t'aille mieux ? Genre te chanter une berceuse, te faire un câlin, te raconter le dernier jeu trop cool auquel j'ai joué ? Profite, j'suis là jusqu'à ce que je puisse taxer M'sieur Southman pour mon billet de retour !

Ouais, j'avais juste assez d'argent pour l'aller, et comme je m'voyais pas piquer dans le porte-monnaie de ma mère (et que les retenues à récurer les chaudrons c'est le paradis à côté d'un de ses regards déçus), c'était la seule solution qu'il me restait. Faire les yeux doux à notre gentil infirmier. Obligé il allait craquer.

En gentil garçon que j'suis, j'obéis à mon adorable Serpoto et j'baisse le volet. Sans me lever cependant, j'le fais avec la baguette. Ouais, j'sais, la Trace tout ça... Mais j'sais aussi qu'elle est pas super précise, et va r'trouver un gamin qui fait de le magie dans un putain d'hôpital sorcier. Même pas peur !
Un immense sourire éclaire mon visage fatigué lorsque Lancelot me demande comment j'suis arrivé jusqu'ici. Oh, prépare-toi sweetie, car t'es franchement pas prêt pour ce qui va suivre ! Pour l'occasion je me redresse même sur mon siège !

Alors là ! Installe toi bien ! T'es bien installé ? Tu veux pas prendre du pop-corn aussi ? Nan ? Vraiment ? Tiens toi bien alors ! J'étais tranquille chez moi, en train de joyeusement pirater la dernière saison de Walking Dead -j'loupe beaucoup trop d'trucs en étant bloqué à Poudlard, ça craint merde quand j'y pense ! - quand j'vois une putain de chouette tapait à la f'nêtre. J'me dis qu'c'était tôt pour la liste des fournitures quand même, mais bon, j'ouvre, et là j'vois que c'est une lettre d' M'sieur Southman. J'sais qu'il m'aime bien, mais quand même ! Donc j'prends la lettre, j'dis à la chouette de se tirer avant que mes soeurs mettent le grappin d'ssus, j'l'ouvre - 'fin la lettre, pas la chouette, j'suis sûr que c'est super intéressant les dissections et tout mais c'est mieux si la bête est morte, 'fin j'pense - et là j'lis que t'es coincé à Saint-Mangouste parce que ta génitrice t'as défoncé en un contre un ! Et là vraiment, j'ai compati, j'te jure, moi j'me suis déjà fait défoncé par mon père, 'fin quand il est pas en taule, ça lui arrive des fois, et j'me suis dis qu'c'était con que j'sache pas encore transplaner, car c'est vraiment nul d'être coincé comme ça tout seul à l'hôpital ! Mais tu m'connais, il en faut plus pour m'arrêter donc... Fugue time pour aller sauver le Chevalier Lancelot !

Comme ça donne vraiment très très soif de parler autant, je me lève en prenant le verre de Lancelot. A m'animer ainsi, j'ai l'impression que la fatigue disparaît, c'est cool ! Je vrais remplir le verre d'eau dans la salle de bain, continuant à raconter ma vie :

Nan mais parce que maman elle est cool et mon père... il est ce qu'il est, mais de là à me laisser partir tout seul à Londres, faut pas déconner ! Donc j'regarde le prix du ferry, et putain c'est méga cher quand tu veux un billet pour le lendemain ou le jour même, ils abusent ces gros chiens d'la casse là, pire que des flics ! Et donc j'casse ma tirelire, t'as de la chance, j'avais économisé pour les Pokemon qui sortent en novembre là, tu sais j't'en avais parlé! Tu t'en souviens plus ? Boarf, tant pis ! L'important est que le lendemain j'quitte la maison ni vu ni connu. Juste le temps de m'faire des sandwich ! Donc j'prends le ferry, c'était le première fois d'ailleurs ! J'comprends hein vu comme c'est reuch, puis bon dans ma famille on aime pas trop les anglais, 'fin tu sais, rapport à l'IRA, tout ça... Ma mère elle a toujours pas trop digéré qu'ils aient foutu mon grand-père en taule - oh putain, j'espère que j'irai pas en taule aussi un jour, mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père (lui c'est pour la guerre civile de 1920), ça fait beaucoup, puis Azkaban ça a pas l'air d'être la joie, ça se voit que les sorciers ils sont pas méga d'accord avec tout ce qu dit l'ONU- et euh, j'me suis perdu, j'en étais où ? Ah oui le ferry ! J'te cache pas, j'ai pas vu grand chose, j'ai surtout pioncé, j'suis un gars de la nuit moi, pas du matin !

Je m'interromps le temps de vider d'une traite le verre d'eau que j'viens de remplir. J'le remplis une deuxième fois, et j'reviens avec m'installer dans le fauteuil. Putain, j'savais pas que j'pouvais parler autant ! Ça doit être ma potosouffle qui m'inspire, franchement elle serait trop fière de moi là ! J'crois même que j'vais battre son record à ce rythme-là !

Au bout de trois heures j'arrive à Holyhead. J'me suis pas attardé, personne prend les auto-stoppeurs en ville, même les apprentis fugueurs comme moi le savent ! Eh ouais, on dirait pas mais c'est un art très délicat la fugue ! Faut pas t'faire embarquer par les flics parce que t'es mineur, et encore moins par les pédos qui s'sentent seuls sur la route ! Bon, j'te cache pas que moi les flics ils m'inquiétaient plus que les pédos, un stupéflix dans la gueule et c'est réglé cette affaire ! Mais ça va, j'ai eu de la chance, c'est un camionneur qui m'a pris, et il avait tellement de posters de femmes à poil dans sa cabine que jamais mes fesses ont été aussi en sécurité ! Il était cool, il m'a même laissé fumé dans sa cabine, il m'a dit que j'lui rappelais sa jeunesse et tout ! Bon, moi j'suis plus moto que gros camion, mais entre amateurs de moteurs qui font vroum on se comprend ! Il m'a déposé à une aire d'autoroute et là c'est un couple qui m'a pris, ils ont trop eu pitié quand j'dis que c'était pour voir mon pote en train de crever à l'hosto - bah quoi, j'ai pas menti, j'ai juste empiré le truc, Alix il fait ça tout le temps et on lui dit rien ! - en plus c'était cool, ils avaient un gros berger allemand ! Okay, il m'a bien bavé dessus l'bougre, mais j'lui en veux pas, il avait trop une bonne gueule ! Et les gens ils étaient sympa aussi, ils m'ont donné des gâteaux et de l'eau ! C'est eux qui m'ont déposé à Londres, ils y allaient voir des potes à eux aussi, ils étaient trop contents, c'était marrant ! Sauf que quand j'suis enfin arrivé à Saint-Mangouste, on m'a dit de r'passer demain pour les visites. Du coup j'ai dormi dans un parc comme y a presque tout qui est passé dans le ferry, mais ça a pas été super tranquille comme nuit, donc si j'm'endors cet aprèm franchement c'est pas de ma faute ! C'matin j'ai bu un café -pire boisson au monde, j'déconseille, mais là j'comprends un peu mieux les vieux qui se gavent à ça - mais ça va me suffire pour tenir, genre là leur fauteuil tout nul d'hôpital bah il est méga confortable ! Mais j't'autorise à me réveiller si j'ronfle trop ! Tu sais quand il va revenir M'sieur Southman ? J'suppose qu'il vient te voir souvent ? Tu crois qu'il m'achètera des clopes si j'lui dis que c'est un médoc moldu ?

En parlant de clope, j'm'en fumerai bien une là. Mais il m'en reste quasiment plus, donc je la garde pour une grande occasion ! Parce que ça se trouve, Henry il viendra pas avant demain ou après-demain, faut que j'ai des munitions moi ! A la place, j'me vide un deuxième verre d'eau. Maintenant j'ai fini, j'me ressens vidé et encore pire d'avant, comme si j'avais lancé mes dernières forces dans cette bataille qu'était d'arracher un sourire à mon beau chevalier ! Car ouais, j'avais pas oublié mon objectif dans tout ça, sinon pourquoi j'me serai transformé en version irlandaise et rousse d'Alix ! C'est volontairement aussi que j'avais gommé la partie chiante du parc, j'voulais pas que Lancelot culpabilise non plus, moi j'voulais juste lui changer les idées, au moins un peu. J'repose le verre et j'baille en m'étirant, avant de m'avachir plus que jamais dans mon siège.

'Fin voilà, fin de la grande aventure ! Faut maintenant que j'trouve une version suffisamment tire-larme pour convaincre maman de pas m'punir à vie ! Genre imagine qu'elle me dise de tirer une croix sur la moto qu'on me promets depuis des années ? Vraiment j'survivrais pas Lancelot, j'ai déjà prévu de piquer une jonquille à Land pour en faire un klaxon et tout !

C'est vrai que j'aurai pu demander à M'sieur Southman. Mais le temps que la lettre arrive et tout... Nan, j'préfère venir par moi-même, au moins j'étais sûr de voir Lancelot. Et tant pis pour l'argent hein, j'le regagnerai, c'est pas grave. Déso mes adorables petits pokémons, mais mon serpoto est bien plus important que vous ! Mais j'vous aime quand même <3

Et j'me dis que j'ai rudement bien fait quand je le vois s'effondrer en larmes. Hum, on va dire que mon histoire, eh bien elle a pas eu l'effet voulu. Elle était super drôle pourtant, plein de détails et de rebondissements et tout ! Bon okay, j'fais le malin mais en vrai j'en mène vraiment pas large. Ma pire crainte depuis que j'suis rentré dans cette putain de chambre s'est réalisée. Lancelot s'est mis à pleurer. Et pas la petite larmichette ça non, ça s'rait trop facile, non là j'ai le droit aux inondations des grandes chutes du Niagara ! Mais quelle vie bordel, quelle vie !
Maladroitement, j'passe sa main dans la partie non-bandée de ses cheveux, les caressant doucement. J'suis gentil, j'lui épargne les banalités de merde du genre ça va aller, ou je suis là, tout va bien se passer. Bah ça va pas aller, sa mère a essayé de le tuer, ça va pas aller pendant longtemps, même moi je le sais ! Eh voilà, j'ai à la fois envie de pleurer moi aussi et celle d'aller taper dans des trucs, pas merci l'ascenseur émotionnel !
Au bout de quelques dizaines de secondes (et c'est méga-loooooong quelques dizaines de secondes quand y a ton pote qui confond ton super jean avec un vieux mouchoir, j'vous jure) comme j'suis quand même un peu gêné de voir Lancelot à genoux devant moi, et qu'en plus, c'est vraiment pas pratique pour lui faire le gros câlin qu'il mérite. Alors je le fais gentiment relever la tête, pour qu'je puisse me laisser glisser au sol à côté de lui. Je repose une main dans ses cheveux, faisant bien gaffe à son bandage, et de l'autre bras je le serre contre moi, un main le tapotant maladroitement entre ses omoplates. J'fais ce que je peux hein ! Mais d'expérience, ce qu'il y a de mieux à faire dans ces moments-là, c'est de laisser couler. J'le laisse donc inonder mon T-Shirt tout propre de ses larmes et de sa morve. Bien content de m'être lavé quand même, j'l'aurait tué avec mon odeur, c'qui aurait été un peu dommage quand même, tout ce voyage pour en arriver là. J'contaste à quel point Lancelot a maigri, j'sens ses côtes alors qu'il tremble contre moi. On t'a pas loupé, hein ? Mais t'inquiète, si y a bien un truc que j'ai appris, en grandissant en Irlande, ait que peu importe à quel point le ciel est nul et tout gris, y a toujours une éclaircie qui pointe le bout de son nez. Faut juste attendre longtemps des fois. Et t'es pas seul en attendant, j'suis là, j'bouge pas. Ouais, la vie ressemble beaucoup au ciel irlandais.

Les pleurs finissent enfin par se calmer. Bien, on va pouvoir bouger. Le sol est dur et froid, c'est pas ce qu'il lui faut vu son état de faiblesse. Je lui fais un petit bisou sur la joue, comme ça, l'air de rien, et je lui propose, essayant de replaquer ce foutu sourire qui avait glissé quand Lancelot s'est mis à pleurer :

J'te remets sur le lit ? Tu vas attraper la crève par terre.

Et sans attendre sa réponse, je glisse mon bras sous son épaule du côté non-endommagé. Lancelot a quatre ans de plus que moi, il a son corps d'adulte. Moi, j'suis encore loin de l'avoir, ça sera pour cette année ou l'année prochaine, mais j'ai l'habitude de porter des trucs lourds, et vu comment il a maigri, j'le soulève (de façon tout à fait non-censurable) sans problème. J'le recouche comme je peux, et j'm'allonge à côté de lui, le gardant dans mes bras. J'crois que le contact physique lui fait du bien, puis il est tout froid ! Ça va vraiment pas cette histoire ! Je regarde son profil, son teint tout blanc et ses yeux rouges de larmes. Il est pas au mieux de sa forme, ça c'est sûr, et c'est pour ça qu'il a besoin d'entendre ce que j'vais lui dire. J'dégage une mèche de son visage, et là j'ai pas de problème à lui sourire :

J't'aime Lancelot. Et j'refuguerai à chaque fois que t'auras besoin de moi. Pa'ceque t'es mon chevalier préféré au monde. Ta génitrice elle est trop nulle de pas voir à quel point t'es trop cool.

Moi j'veux bien ne pas refuguer, mais déjà faut pas aller à l'hôpital pendant les vacances aussi ! Et puis j'fais comment moi si j'ai pas des histoires trop cool à raconter à Alix et à Land à la rentrée ? Non mais faut que je pense à ma street credibility un peu ! J'promets donc rien mais j'hausse tout de même une épaule, en mode j'essaierai. J'me redresse lorsqu'il me demande d'aller chercher une infirmière. C'est que j'serai bien resté dans ce lit moi, il est encore plus confortable que le siège, puis il fait sombre, et les draps ils sont tous chauds... Mais quand mon chevalier m'appelle à la rescousse, je peux pas lui dire non ! J'me lève donc, prêt à aller chercher une guérisseuse, lorsque la voix faiblarde de mon serpoto se fait encore attendre. Je tourne la tête avec un grand sourire. Lancelot, j'veux pas te vexer vu que t'es déjà cassé de partout et tout, mais c'est un secret pour personne que tu m'aimes ! Ça fait déjà quatre ans que tu me supportes, ça veut tout dire ! Mais j'note ça dans ma tête, pour lui ressortir dans des jours meilleurs. J'vais bien l'emmerder avec ça, j'en ris déjà ! Mais là j'suis gentil, j'en rajoute pas, je me contente de hocher la tête.

Cool, j'me disais que j'avais trop de sœurs et pas assez de frères en plus !

J'sors, et j'aborde la première personne en robe verte que j'croise qui a pas l'air pressé. Et plutôt que de retourner dans la chambre de Lancelot, j'vais faire un petit tour. J'vais pas bien loin vu comme j'suis claqué, j'vais juste à l'entrée de l'hôpital. J'allume une de mes dernières précieuses clopes qui me restent tout en allumant mon portable. J'ai besoin de prendre un peu l'air là, beaucoup trop d'émotions dans cette chambre ! Puis faut que j'tienne ma famille au courant, un peu, quand même ! J'ai laissé une lettre pour leur dire où et pourquoi j'allais, sans plus de précisions pour pas me faire prendre avant que j'arrive, et je leur ai laissé quelques messages dans la journée d'hier et un autre ce matin pour leur assurer que tout allait bien. Maman et soeur n°1 m'ont pourri de messages (les sms, l'inquiétude tout ça, c'est pas trop pour mon père, il a du mal à gérer), mais maintenant que j'suis là, elles se sont un peu calmées. J'leur envoie un sms plus long et plus détaillé, puis je rééteins mon portable. J'm'attends pas à une réponse immédiate, tout l'monde bosse à cette heure-là, et puis ça sert à rien de l'laisser allumer vu que ça fonctionne pas dans l'hôpital. Et comme y a rien pour le recharger ici, j'préfère économiser ma batterie. J'marche jusqu'à la poubelle la plus proche pour y jeter mon mégot. J'me demande si soeurs n°2 et 3 vont bien. Normalement, c'est à moi de les surveiller quand j'suis là. 'Fin, les surveiller, aller voir qu'elles s'entretuent pas quand ça crie quoi, ou les amener à la plage, ce genre de trucs de moldus. Après, j'me fais pas de soucis, y a toujours quelqu'un pour dépanner là où j'suis mais bon... Déjà que j'les ai pas beaucoup vu, à passer ma vie à Poudlard... C'est dans ces moments-là où vraiment, j'regrette de pas avoir plus de thunes. J'aurai bien aimé leur ramener un souvenir de Londres au moin. Genre un Harrods pour Enat, ou la casquette de Sherlock pour Eir'! Ça lui irait super bien sur sa bouille là ! Hum, j'pourrai toujours voir pour piquer les serviettes de Saint-Mangouste ? Faut qu'j'y r'etourne d'ailleurs, mon serpoto il va croire que j'me suis enfui après sa déclaration d'amour sinon, ça la foutrait mal !

Dans la chambre, j'prends à peine le temps d'enlever mes baskets que me r'voilà dans le lit du grand blessé ! Ouais bah j'suis crevé, et y a de la morve séchée sur mon T-Shirt, y peut bien partager son pieux un peu ! Oh la la, c'est vraiment trop bien un vrai lit, faut pas que j'm'endorme avant... allé, avant qu'on nous rammène le repas du midi ! Voilà, ça c'est bien, après j'fais une petite sieste digestive, c'est parfait ! Mais bon, faut meubler jusque là. Je retourne me blottir tout contre mon serpoto tout cassé. Mes petites soeurs me manquent, ouais, mais c'est Lancelot qui a le plus besoin de câlins là.

Y a Eib' et ma mère qui te souhaitent un bon rétablissement. Elle a dit aussi que t'es l'bienvenue chez nous, si tu veux venir quelques jours pour te changer les idées. Enfin, t'auras juste un matelas pneumatique posé dans ma chambre, c'est pas le grand luxe quoi, ça s'ra même pas super reposant, mais si besoin... Dis, y va t'arriver quoi quand tu vas sortir ? T'as un endroit où aller ? Tu sais quand sors au fait ?

Ma mère avait proposé ça d'elle-même, dans le dernier sms qu'elle m'a envoyé. La galère, ça connaît les O'Cuinn, et elle connaît Lancelot, j'leur ait déjà parlé de lui, et des autres aussi ! Mais du coup, ça m'a fait me reposer toutes les questions que j'ai dans la tête depuis que j'suis là. Et maintenant que l'abcès est crevé, j'me dit que c'est l'moment où jamais de les poser. J'prends une inspiration avant de poser la pire de tous, et j'suis trop fier car ma voix elle tremble pas, enfin presque pas, genre ça s'entend pas j'pense.

Ton oeil... Il est foutu pas vrai ?

J'voudrais tellement lui demander aussi pourquoi elle a fait ça, sa mère, mais ça, même moi j'sens que c'est pas un truc à demander. Il me le dira lui-même, quand il le voudra.

Oh la la non, voilà qu'il se remettait à pleurer, et en disant des trucs horribles en plus ! J'aurais mieux fait de fermer ma grande gueule tiens, on me le dit souvent d'ailleurs, j'aurai dû tous les écouter. Ca me fait mal d'entendre ce qui sort de la bouche de mon ami, vraiment très mal, mon cœur se sert à un point que j'aurai même pas cru possible. J'sais pas ce qu'elle lui a fait sa génitrice, vraiment j'comprends pas ce qu'elle a pu lui faire pour réduire mon fier et beau chevalier à ça, ça m'énerve ! Ouais chez les hommes de la famille O'Cuinn, on transforme la tristesse en colère, c'est notre super-pouvoir très pété, car la colère c'est plus facile à gérer, y a juste à taper partout et c'est bon c'est réglé. J'le sais, et j'sais aussi que c'est quelque chose de pas bien mais là j'peux pas me stopper, y a une bulle de colère qui vient d'enfler d'un coup en moi et qui demande qu'à éclater. J'ai juste envie de le secouer pour qu'il se reprenne, pour qu'il arrête de s'apitoyer sur lui même et qu'il se batte, pour qu'on me rende mon Lancelot. Et il a de la chance d'être un malade avec perfusion et tout dans un lit d'hôpital, parce que sinon j'vous jure que je l'aurai fait ! Je pose ma main sur son épaule et la serre sans aucune doute plus fort que ce qu'il aurait fallu vu son état, mais c'était le maximum de self-contrôle que j'pouvais atteindre là. J'me recule pour bien pouvoir le regarder entre trois yeux et lui montrer que pour une fois, vraiment, j'déconne pas :

Si tu reviens pas à Poudlard, j'te jure que j'viens te chercher par la peau du cul. J'm'en fous de ce que t'as dit ta mère, t'es pas foutu. Moi j'ai besoin de toi, et Elia aussi. Alors dis pas des choses comme ça, t'as pas le droit de dire des choses comme ça de mon serpoto...

Au fur et à mesure que j'parle, y a la bulle qui dégonfle et la boule dans ma gorge qui enfle. J'ai de plus en plus de mal à parler sans que lèvres tremblent autant que ma voix, et c'est en réalisant que j'pourrais vraiment le perdre, que ça se trouve plus jamais il serait mon camarade à Poudlard, et que peut-être même plus jamais il serait le garçon que j'ai connu, j'craque. J'suis claqué déjà et puis voir un de ses meilleurs potes l'air sur le point de se foutre en l'air, c'est quelque chose que j'souhaite à personne, et surtout pas au gosse de 15 ans super méga démuni que j'suis. J'me mets à pleurer aussi, alors qu'j'l'entoure de mes bras, m'accrochant plus à lui que je lui fais un câlin, mon front contre son épaule.

S'i' te plait, t'en va pas...

M'abandonne pas Lancelot, bas toi !

J'étais pas sûr que Lancelot ait vraiment compris. Ca se trouve il disait d'accord pour me faire plaisir, mais il allait faire des bêtises dès que j'ai le dos tourné ! Moi j'avais pensé partir dès que M'sieur Southman peut me ramener, si j'me faisais choppé, maintenant j'avais juste envie de rester coller à lui jusqu'à cette putain de rentrée. Mais j'avais vraiment envie d'y croire, que tout allait finir par s'arranger et que j'allais retrouver mon copain comme avant, juste un peu plus abîmé. Mais ça c'était pas très grave, l'important c'est qu'il revienne ! Le reste on saurait gérer, Elia et moi, les potes, c'est fait pour ça ! 'Fin surtout Princesse, il est vieux et tout, moi j'sais juste faire des blagues nulles et j'viens de découvrir que c'est pas très utile dans c'genre de situations, très déçu. D'puis que j'suis là j'arrête pas de l'faire pleurer même, tellement que j'me suis fait pleurer moi-même, on a vu plus efficace !

Les larmes durent pas longtemps chez moi, j'crois qu'il fallait juste que ça sorte. Et maintenant que c'est fait, j'ai vraiment plus qu'une envie, c'est de faire comme Lancelot et de pioncer. J'caresse mollement ses cheveux, ma main se faisant de plus en plus lourde, avant qu'je sombre moi aussi. Dire que quand j'étais p'tit, 'fin en première année, j'aurai trop kiffé de pouvoir dormir en faisant un câlin à Lancelot ! Comme quoi, la vie, c'est quand même très décevant. Les jeux vidéos, c'est définitivement mieux.

J'me réveille quand une dame rentre, avec le plateau repas. J'ai la tête lourde et la bouche pateuse. P'tain, j'savais bien qu'j'aurai pas dû m'endormir avant manger là, mais Lancelot il m'a eu là, avec ses yeux tous tristes et ses trémolos dans sa voix ! D'ailleurs j'suis toujours dans ces bras, et vu comment la dame sourit, elle a l'air de trouver ça trop mignon. Comme quoi, c'est cool d'être un gamin quand même ! Elle me demande si j'veux quelque chose aussi, et j'lui dis que non, j'ai de quoi, puis que pas la peine qu'elle s'embête, j'vais réveiller le Beau aux Bois dormants tout seul. Et pendant qu'elle s'en va, j'm'assieds, détachant les bras de mon serpoto. Bah quoi, c'est vrai, j'ai déjà de quoi manger, le repas de Lancelot. Le pauvre il a plus l'air d'avoir besoin de dormir, j'peux bien lui rendre ce petit service ! En plus c'est pas bon la bouffe d'hôpital, même sorcier ! Mais comme j'suis pas un monstre j'en mange que la moitié, et pas sûr que ce soit pour son bien. Pourtant j'avale ma part trois coups de fourchettes. Manger en venant de se réveiller, surtout ça, c'est pas c'qui aide à l'appétit mais vu ce que j'ai mangé depuis hier, il en faut plus pour empêcher mon ventre de gargouiller en sentant l'odeur de bouffe.

Mon repas fini, mon chevalier fait toujours son dormeur, et j'me retrouve à contempler la vacuité de mon existence. Bien sûr, j'ai pris que le strict nécessaire pour pas risquer de m'faire voler donc j'ai même pas de console, ou même ces choses faites de cadavres d'arbre appelées livres pour m'occuper. Et comme y a pas d'électricité et donc pas d'télé ici... Bref, en gros, j'vais bien m'faire chier jusqu'à ce que Lancelot se réveille. Bon, au moins quand il dort il pleure pas, donc c'est pas moi qui va m'en plaindre. J'soupire, et finit par prendre une des dernières survivantes de mon panier de clopes. Ouais j'sais, fumer dans un hôpital ça craint et tout mais hé, j'ai fait une fugue de plusieurs centaines de km et rajouter quelques cheveux blancs donc j'suis plus vraiment à ça prêt. Autant que l'absence de technologie me soit utile pour une fois car ouais, pas d'électronique pas de détecteur de fumée, c'est comme ça ! Je l'allume et la porte à ma bouche, tirant une grosse latte. Mon autre main vint se poster entre les omoplates de mon chevalier pour rapprocher son corps contre moi. Tu m'étonnes qu'il déprime le pauvre, à part des repas pas bons il a rien pour se changer les idées ! Vraiment, et croyez moi parce que c'est pas le genre de trucs que j'dis d'habitude, mais heureusement que j'suis là ! Comme ça au lieu de pleurer tout seul on pleure à deux, c'est plus sympa comme ça ! J'me marre tout seul en m'disant ça, toussant à moitié alors que j'recrache la fumée.