Et encore une retenue.
Ils s'étaient donnés pour-celui-là. Vraiment donnés.
Sous les yeux de Land, se tenait probablement le chaudron le plus sale qu'il n'avait jamais vu de sa vie. C'était à peine si l'on pouvait voir la surface miroitante de l'objet en lui-même, tellement il était recouvert de... trucs, et il avait beau chercher au moins une petite parcelle de propre, là, quelque part, histoire de voir la couleur de base de la chose, il ne voyait qu'une immense étendue de crade. Ils avaient dû les chercher dans les pires catastrophes de cours de potions des premières années, ces chaudrons. Et il était aussi presque sûr qu'il les avaient laissé à l'air libre, histoire que ça colle bien et que ça soit encore plus dur à retirer.
Voyant bien que le garçon devant lui était parti ailleurs et qu'il n'allait pas prendre le chaudron de sitôt, le professeur lui fourra dans les bras sans qu'il ne puisse protester qu'il voyait moins bien quand il le tenait. Encore sous le choc, il se tourna légèrement pour voir celui qu'on venait de donner à son potoufsouffle Asling, lui aussi prisonnier de cette retenue. Et ce qu'il ne voyait n'était pas beaucoup mieux. Pauvres d'eux. Mais qu'avait donc fait Land, 15 ans, 1m74 - pour l'instant, s'il s'était vu dans les prochains mois, il n'y aurait pas cru -, pour mériter une telle punition?
Hé bien, en vérité, pas grand chose. Enfin, pas grand chose qui méritait vraiment d'être puni. Parce que c'était novembre, qu'il commençait à geler et qu'il y avait beaucoup plus de travail absolument partout. L'hiver n'était pas une période facile pour tout botaniste en herbe - pas spécialiste en herbe, débutant, hein - qui se respecte. Et Land, tout ce qui était du rush, il ne connaissait pas. Il était donc bien possible qu'il soit arrivé plusieurs fois en retard à certains cours, parce qu'il devait absolument couvrir les plantes qui traînaient autour de son lit, mais qu'il ne comprenait pas le concept de se dépêcher. Ce n'était que la cinquième année, après tout. Il n'avait pas du tout un diplôme à passer à la fin de l'année. Pas du tout. Si, en fait. Il avait exaspéré un prof en trop. Pour lui, ce n'était pas si grave pourtant, et il était bien plus important pour son avenir de s'occuper de ses plantes que des cours.
Donc, il se retrouvait là, avec Asling, à devoir récurer le pire chaudron sale de sa vie. Cela durerait une éternité, et ils le savaient pertinemment.
Il lança un regard dans lequel on pouvait lire le tourment de milliers de sorciers à travers l'histoire à son camarade, alors qu'il remettait sa précieuse baguette à la figure d'autorité présente et qu'il la troquait contre une merveilleuse brosse à dent dont les poils eux-même semblaient vouloir s'échapper. Il sentait les yeux insistants qui le regardait, alors, de ses mouvements malhabiles renforcés par l'adolescence et la terrible puberté, il frotta une fois, deux fois, trois fois, le chaudron. Il était mal installé sur le tabouret sur lequel on lui avait demandé de s’asseoir, et très clairement cela se sentait.
Très vite, on les laissa à leur triste sort et leur terrible tâche. Land optait pour la technique Lentement mais avec force - la seule qu'il connaissait en soit -, espérant récupérer le plus de crasse avec le moins de mouvements. Très clairement, il avait l'impression d'en rajouter à chaque fois. Après quelques minutes de calvaire tremblant, il se tourna vers son camarade, sans arrêter de frotter pour autant, et sans quitter des yeux son chaudron parce que sinon c'était assuré d'être la catastrophe:
" Tu avances ?"
Parce que clairement, lui, non. Et il pensait trop aux propriétés du chou mordeur de Chine pour leur cours de potion pour mettre toute l'énergie qu'il aurait du à sa tâche.