- Pourquoi n’as-tu pas une note parfaite en science?

Le regard de Kim Mun-Hee était sévère et entièrement concentré sur sa progéniture. Elle s’attendait à des explications quant à l’unique note entachant le dossier scolaire de son enfant âgé de onze ans. Si cette dernière espérait réellement intégrer la prestigieuse université d’Oxford dans le programme d’étude des beaux-arts d’ici quelques années, elle ne pouvait se permettre trop de notes sous-normes.

La fillette gardait la tête basse; elle connaissait la routine. Il ne lui manquait que quelques points pour atteindre la perfection demandée par sa génitrice mais ça, sa mère refusait de le voir.

- Je t’ai posé une question et j’attends une réponse, Fujiwara Moon Yuna.

La adolescente savait que c’était sérieux quand sa mère utilisait son deuxième prénom, car elle ne le faisait jamais autrement.

- C’est à cause du décès de sofu… Le voyage à Kyoto a fait en sorte que j’ai remis un travail en retard.

La matriarche prit une grande inspiration; elle ne pouvait pas blâmer sa fille. La famille avait tout mis en pause afin d’être présente aux funérailles se déroulant dans le pays natal de Fujiwara Kaito, son époux. Elle se massa l’arrête du nez, car elle ne voulait pas que son enfant profite de cette occasion pour relâcher ses efforts.

- D’accord, mais je m’attends à mieux lors de ton prochain bulletin. Retournes à tes études, je t’appellerai lorsque ton père sera arrivé pour souper. N’oublie pas ta collation.

- Oui, umma.

Moon s’inclina devant sa mère, puis monta à sa chambre avec son assiette de melon d’eau. Ses murs tapissés d’oeuvres d’art variées étaient à la fois un baume pour son coeur ainsi que le couteau que l’on retournait dans la plaie. Elle rêvait d’une carrière de mangaka… Or, ce métier ne serait jamais approuvé par ses parents si elle ne vendait pas un bestseller mondial dès sa première publication. C’était pourquoi elle s’efforçait de satisfaire leur soif insatiable de perfection en faisant le nécessaire afin d’être acceptée à Oxford. C’était le seul compromis qu’ils étaient prêts à faire avec elle et encore là… Il y avait fort à parier qu’ils lui trouveraient un fiancé avant même qu’elle ne gradue!

La pression était énorme et son caractère habituellement enjoué commençait à en souffrir.

- Moon, il y a quelqu’un pour toi!

L’adolescente se redressa vivement. Son père était déjà arrivé? Un rapide coup d’oeil vers son horloge Hello Kitty lui fit comprendre que le temps avait filé pendant qu’elle rêvait d’un avenir meilleur. Elle dévala les escaliers et se jeta dans les bras de son père. « Oto-san! » Ce dernier lui caressa la tête, mais s’éclaircit la gorge afin de lui rappeler qu’ils avaient un visiteur.

- Cet homme dit que tu as appliqué à… Quel était le nom, déjà?

La confusion était évidente sur le visage de la fillette. Elle n’avait pas fait de demande d’admission nulle part… À son âge, ça ne faisait aucun sens! Elle venait à peine de célébrer son onzième anniversaire puis, de toute façon, elle n’avait pas le temps avec les cours d’été que ses parents lui faisaient suivre.

- Ce n’est pas une application, Madame Fujiwara. Asseyez-vous, je vous en prie.

Les trois membres de la famille prirent place dans le salon, où la matriarche servit du thé vert. Chacun cherchait une réponse chez son voisin, seulement pour le voir secouer la tête.

- Ce que je m’apprête à vous dire vous paraîtra étrange… Je vous prie de garder un esprit ouvert. Mademoiselle Fujiwara, vous êtes une sorcière et je suis ici pour vous préparer à votre scolarité à Poudlard.

Il y eut un long silence… Puis Moon éclata de rire au point de rouler du sofa jusqu’au sol. Elle n’avait jamais entendu quelque chose d’aussi ridicule! Elle se tenait le ventre tant ça lui faisait mal de rire autant. Son père, quant à lui, se leva sous le coup de la colère. Comment cet homme osait-il venir leur faire un tel affront dans leur propre demeure! Sa mère eut plutôt comme réaction de fusiller sa fille du regard et de lui demander si elle trouvait ça comique de jouer un aussi mauvais tour à ses parents.

Heureusement, le représentant de l’école de sorcellerie était une personne patiente et il ne s’offusqua aucunement de la réaction de la famille asiatique. Il devait en avoir l’habitude, en réalité. Il parvint à calmer le patriarche avec une démonstration prouvant hors de tout doute qu’il ne rigolait pas et qu’il était réellement là pour accompagner Moon d’ici le moment où elle intègrerait les rangs des élèves de Poudlard.

La principale concernée eut toutefois besoin d’un coup de pied semi-délicat de sa mère afin de comprendre que l’heure de la plaisanterie était terminée… Sans quoi, elle aurait continué de se tortiller au sol tout en pleurant de rire pendant une éternité et demie.

L’arrivée à Poudlard de la jeune Fujiwara et les années qui suivirent furent toutes aussi irréelles. Elle avait l’impression de vivre dans l’univers d’un anime et c’était simplement magique. La rivalité entre les maisons, les sortilèges tous plus farfelus les uns que les autres, le vol sur un balai... Les péripéties s’accumulaient et elle adorait ça!

Même le dédain de certains sorciers pour son héritage moldu ne parvenait pas à ternir son enthousiasme, voire que c’était tout le contraire. L’Asiatique s’était découvert un côté protecteur qu’elle étendait à quiconque en ayant besoin… Ainsi qu’un nouveau rêve : celui de devenir Auror. Elle voulait aider à maintenir la balance des choses, l’égalité chez les sorciers et s’assurer que personne ne soit sans défense face à la cruauté de certains. Ah, puis c’était extrêmement palpitant!

Tout ça lui avait également permis de retrouver le plaisir de créer. Elle dessinait ou peignait parce qu’elle en avait envie, et ce, sans devoir la perfection à qui que ce soit. Ses parents n’avaient plus une emprise aussi grande sur sa vie, principalement parce qu’ils ne connaissaient rien du monde des sorciers. Moon avait ainsi pu s’épanouir plus que jamais auparavant et ce n’était que le début!