Présence discrète

Au fond, qu’avait-elle vraiment à perdre, à part un peu de son égo? Ce n’était pas comme si elle n’allait pas réussir à se relever ensuite.

Ariana avait résisté quand même longtemps. C’était plus facile lorsqu’Øystæin n’était pas le professeur. Son prédécesseur ne lui avait même jamais suggéré d’observer la classe, pensant probablement, tout autant qu’elle, que ce type de magie lui était inaccessible. Mais Thorkellsson avait si bien insisté que, cette année, Carrow avait fini par céder, bien qu’un peu de reculons. Elle était encore certaine qu’elle allait se ridiculiser et qu’elle ne ferait pas mieux qu’avec sa baguette (où est-ce qu’elle l’avait posée encore celle-là? elle ne la trouvait plus…) mais simplement pour faire plaisir à cet ami de longue date, elle avait accepté.

Et puis, la classe des huitièmes années se donnait dans une période où elle-même ne donnait pas cours, cette année, ça devait bien être un signe du destin non?

Certes, il lui était bien arrivé une fois, jadis, de participer à un enchantement de groupe utilisant une forme ancienne de magie. Mais justement, ce n’était pas un sortilège qu’elle avait pratiqué seule, elle y avait seulement contribué. Pourrait-elle réellement obtenir quelque résultat que ce soit sans aide extérieur? Ariana en doutait sincèrement. Peut-être qu’après ce premier cours, en découvrant à quel point elle était démunie, Øystæin cesserait de lui demander de rejoindre sa classe?

Voulant faire une entrée discrète, Carrow avait attendu que tous les étudiants soient entrés en classe, et lorsqu’elle put entendre Thorkellsson ordonner aux jeunes adultes de prendre place, elle se faufila silencieusement par la porte, en adressant un sourire et un clin d’œil à son ami de longue date. Décidant de rester debout comme simple observatrice pour l’instant, l’historienne s’appuya contre le mur, bras croisés sur sa poitrine, beaucoup plus intéressée qu’elle ne voulait se l’avouer elle-même. Et puis, si elle prenait une chaise, les élèves allaient la remarquer, ce qu’elle ne souhaitait pas tout de suite.

Voilà qui n’était pas très encourageant pour elle, en revanche. Si les magies anciennes étaient les formes les plus dangereuses, à quel point la « presque cracmolle » avait-elle la moindre chance de ne pas l’échapper? Se mordant la lèvre en songeant que c’était probablement la dernière fois qu’elle oserait tenter la magie, Carrow se tint silencieuse pendant la présentation de Thorkellsson.

Elle découvrait là un tout autre homme que celui qu’il était en sa compagnie, et se pris d’ailleurs une note mentale pour lui rappeler que si les professeurs froids et sévères obtiennent généralement le calme en classe, ça ne garantit en rien des résultats concluants de la part des élèves. Un étudiant effrayé par son enseignant ne sera pas au meilleur de ses capacités dans son cours, ça… elle le savait pour l’avoir expérimenté elle-même lorsqu’elle était à leur place, sur ces chaises. La crainte est un terrible frein à la magie. Sous toutes ces formes.

Gardant toujours le silence pour ne pas être repérée, l’historienne ne perdait pour autant pas ses habitudes de professeur aguerrie, balayant la salle du regard pour repérer le premier courageux qui lèverait la main afin de poser une question. Mais peut-être que personne n’allait oser répondre à Øystæin et que le cours allait commencer de but en blanc?