Cadeaux indésirables : embrouilles et secrets
Feat Ariana Carrow
Et bien, le jour J était arrivé.
Tu ne criais pas ta date d’anniversaire sur tous les toits, mais ceux qui la connaissaient avaient réussi à faire de ce jour, une journée encore plus merdique qu’elle ne l’était déjà. Décidément, tu détestais ton anniversaire. De toute ton âme. Ce n’était pas parce que tu te prenais une année de plus dans la tronche que tu n’aimais pas ça, mais parce que c’était une date maudite : ta mère avait été assassinée le jour de ton septième anniversaire par un mage noir, devant toi. Tu avais beau éviter de dormir, faire nuits blanches, des insomnies et j’en passe, ça ne t’épargnait pas de revoir ce qui s’était passé ce jour-là à chaque fois que tu avais le malheur de fermer les yeux. Tu te rappelles la course-poursuite dans les bois, du son indescriptible et inconnu provoqué par le coup de feu dans le dos de ta mère, juste avant le transplanage… Tu te souvenais du visage de ta mère, du sang qui coulait à flots, de ce qu’elle éprouvait, de sa respiration sifflante et erratique jusqu’à ce que la dernière goutte de vie quitte son corps, te suppliant de rester cachée et d’être sage… Tu te souvenais de ce que tu avais éprouvé en suivant tant bien que mal ses consignes, seule, dans un endroit qui t’était inconnu, loin de la maison…
Tu ne voulais pas revoir ça ou ressentir de nouveau l’écho de ces affres.
Tu ne voulais pas y repenser, mais tu n’y pouvais rien.
En tout cas, tu avais essayé d’occuper ton esprit en évitant les gens, étudiant et faisant des expériences pour tester les limites de ton nouveau sort. Ce sortilège que tu avais inventé en début du mois était très polyvalent, mais il s’avérait encore complexe et assez… capricieux. Tu ne t’attendais pas à ce qu’il marche aussi bien sur les plantes, mais, sincèrement, tu allais y réfléchir deux fois avant de le lancer de nouveau dans la serre ou à orée des bois ; c’était stressant et pire que se trouver dans la Grande salle un jour de fête. Écouter et comprendre les plantes, toutes parlant en même temps, râlant, se plaignant, se disputant entre elles ou autres… Ce n’était pas exactement ce à quoi tu t’attendais. Les animaux et les humains font ça aussi, certes, mais on est loin de se douter que les plantes peuvent agir aussi de la sorte, surtout, dans des espaces restreints où des espèces envahissantes et sournoises pouvaient taquiner d’autres avec lesquelles elles ne sont pas supposées cohabiter, en temps normal. Ah… les tentaculas vénéneuses sont des teignes narcissiques qui s’amusent à gnaquer leurs voisines par ennui ou parce que l’envie d’emmerder le monde leur prend – ce n’est même pas pour se défendre, non, juste pour le plaisir de déranger autrui.
Toutefois, tu avais remarqué que tu ne pouvais comprendre qu’un seul groupe d’êtres vivants à la fois et que, pour l’instant, tu n’étais pas en mesure de le lancer et le garder actif sur plusieurs en même temps. De ce fait, tu préférais de loin l’utilisation que tu lui donnais pour ne comprendre que les félins – c’était plus reposant et intéressant. Ainsi, tu pouvais discuter avec les familiers du château, y compris le tien. Il est rare que tu amènes ton chat en cours, mais tu ne t’en étais pas séparée depuis quelques jours. Tu n’avais même pas lu ton courrier ou ouvert les petits colis que tu avais reçu durant le petit déjeuner. Tu avais une idée de ce qu’ils contenaient et tu n’avais pas envie de te prendre la tête avec ça : des cadeaux, des félicitations et d’autres conneries du même genre. Meh.
Bref.
Afin de ne pas te faire taper sur les doigts, contrairement à d’habitude, tu restas au fond des salles de cours. Ton chat demeurait tranquillement et discrètement installé à l’intérieur de ton sac-à-bandoulière. Tu savais que ça allait être une journée de merde, pour toi, mais tu étais loin de te douter que quelqu’un avait décidé d’ajouter une couche à ton humeur passablement instable : deux mauvaises notes – enfin, une seule, pour l’instant, tu n’avais pas encore eu vent de l’autre. Quand le professeur d’Étude des Runes rendit les devoirs-maison, tu avais vu un désagréable et ignoble D rouge sur le parchemin qui t’avait été rendu. Ton cocktail de potions n’était pas suffisamment fort pour t’imposer un semblant de bonne humeur à ce moment-là.
Au début, tu regardas le parchemin comme si c’était une blague, très déplacée, ou une erreur. Il y avait bel et bien ton nom dessus… Pourtant, quelque chose clochait parce que tu étais sûre et certaine que ce n’était PAS ton devoir. Ce n’étaient pas tes réponses et tu ne reconnaissais pas ton écriture, même si elle ressemblait vaguement à la tienne – à l’exception du fait que ta calligraphie était plus fine, italique et que tu faisais certaines lettres plus arrondies, entre autres. Tu ne reconnaissais pas l’écriture, en somme, et tu tentas de le faire comprendre au professeur à la fin du cours pour ne pas attirer davantage l’attention sur toi. Ce quelqu’un n’était pas un professeur qui t’avait suivie au fil des années et qui ne prenait pas attention à l’écriture des élèves plus que ça. Tu étais même venue à presque t’énerver contre le professeur pour te dire que ce n’était qu’une excuse pour changer la note, qu’on ne peut pas toujours avoir tout ce qu’on veut. Il en a failli peu pour que tu fasses perdre des points à ta maison après avoir jeté ton devoir sur le bureau du professeur et te barrer en l’ignorant par la suite. À ce poin-là, tu t’attendais presque à recevoir une retenue, mais, sincèrement, tu n’en avais rien à foutre.
En cours d’histoire, tu te souvenais d’avoir rendu un devoir quelques jours auparavant, aussi. Au vu de ce qui s’était passé durant ton premier cours, tu ne voulais pas en entendre parler et, franchement, quand on t’a demandé de rester après le cours, tu pensais que c’était parce que le Pr. Carrow avait déjà eu vent de ton comportement de ce matin, sans compter ton manque d’intérêt et d’attention au cours d’aujourd’hui – une attitude qui ne te ressemblait pas. Tu ne t’étais pas rendue compte, non plus, mais tu regardais tout le monde de travers depuis ton petit conflit avec le professeur d’Étude des Runes. Est-ce que tu allais te faire remonter les bretelles ? Ce n’était pas impossible. Quoi que… quitte à pousser le bouchon jusqu’au bout, autant, en plus, t’annoncer une autre note de merde.
Les sourcils légèrement froncés, la bouche pincée, tu restas assise, accoudée sur ton pupitre : tu attendais aussi patiemment et calmement que possible. Même si, décidément, pour quelqu’un qui te connaissait un minimum, il n’était pas difficile de comprendre que ce n’était vraiment pas ta journée.
Gé.ni.al. Mais oui...
C’est super, un anniversaire.