À la lueur des étoiles, un souffle se coupe - ft. Lizbeth Montgomery
Les pas résonnaient clairs dans les couloirs de l’école, mais se sentaient perdus dans tous les autres qu’ils croisaient, plus bruyants et pressés. Et s’ajoutait à cela, à chaque heure qui filait, le son lourd et puissant de l’horlogerie implacable de Poudlard. Les murs observaient, et sur eux les tableaux vivants profitaient de la lueur franche du jour pour se balader, rendre visite, découvrir les nouveaux accrochés et leur offrir, qui sait, une tasse de thé ou un coup d’épée. La vie dans les toiles étaient bien plus rocambolesque qu’elle ne le paraissait, pour peu qu’on s’attarda aux peintres qui les avaient créés et l’envie qu’ils leur avaient insufflé. Là, une dame à la chevelure plongeant dans l’eau, se faisait chatouiller ses derniers par une sirène qui fila rapidement sur une oeuvre voisine où un pêcheur bien avisé, se boucha aussitôt les oreilles. Mais la jeune ondine à la peau écailleuse, ne se laissa pas défaire et se mit à chanter, assez pour gêner le passage des jeunes et moins jeunes enfants, se hâtant pour rejoindre leur classe. Ces derniers chuchotaient ou riaient, et leurs éclats de voix semblait presque dissonants à cette matinée nouvelle-née. Mais là haut, plus haut, encore, juste là, si on franchissait la fenêtre en sous pente, bien calfeutré par une rideau noir et opaque, le sommeil, le silence trouvait sa place, et une riche place que la sienne dans cette chambre toute offerte au ciel et à la nuit. Sur les murs et les hauts plafonds se trouvaient là et là des constellations luminescentes et des posters représentant divers évènements stellaires.
Plus bas, proche d’un bureau large et encombré, toujours fixées sur les pierres apparentes, des photos disparates, certaines plus récentes que d’autre, mais toujours animées. Chaque sourire faisait écho à d’autres, et sur une photo, une étreinte aimante entre un père, une mère et leur fille aurait réchauffé le coeur le plus impassible. Sur le meuble même, faisant face à un fauteuil repoussé, se trouvait donc un fouilli innommable, un enchevêtrement de feuilles, d’encriers et de plumes à pointes diverses. Des cartes, un compas de route, et surtout, là, sagement alignées, quelques fioles de potion tue-loup. Sur une petite table adjacente, rangées aussi, les derniers devoir de ses élèves, copies déjà corrigées, sitôt réceptionnées, attendant d’être descendu dans le bureau plus scolaire, plus sobre aussi quoique la large boule de cristal et le service à thé aient déjà bien servis et que les taches sombres sur le bois le prouve, et que l’échelle métallique menant à l’appartement dénote sur cette sobriété.
Remontons l’échelle, les tapis épais étoufferaient chaque bruit, s’il devait être démontré encore qu’ils n’avaient ici pas leur place. Et dans le large lit aux couvertures toutes retournées se trouvait être un être pour qui visiblement il était bien trop tôt pour se lever. Le temps s’écoula, minutes après minutes, invariablement. Le soleil était haut lorsqu’enfin, remua le corps jusque là aussi inerte qu’une pierre. Là, tous les gestes trouvèrent leur utilité, aucun n’était surfait. L’eau coula, achevant l’éveil difficile, le savon se mit à coller à la peau, la parfumant légèrement, tout allait si vite cette fois ! Les cheveux furent noués, juste assez pour qu’ils ne tombent pas devant le regard, aussi vif que l’ambre embrasée. La robe de sorcière se voit boutonnée par des doigts adroits, habitués, et les tennis enfilées, tellement plus confortable que des chaussures lourdes. Ce fut à nouveau tout un engrenage qui se mettait en route, et les cours qui suivirent, l’avenir ou le passé qui se profilait, en faisait tout autant parti. Les questions posées par les élèves, les feuilles de thé qui se voient décortiquées, et même l’une des boules de cristal qui s’écrase au sol avant qu’un Reparo bien lancé ne la reforme aussitôt. Le dernier cours par contre, s’étirait toujours plus que les autres, comme une distorsion dans le temps car les élèves n’étaient pas les seuls à désirer la fin de journée. Surtout qu’elle avait lu dans sa propre mare de thé qu’on la cherchait. C’était toujours vague, elle ne savait pas qui, ni même de quand cela datait - Proche passé ? Proche futur ? Présent ? -, mais dans le doute et par précaution, la professeure songeait déjà à l’endroit où elle pourrait se poser pour éviter qu’on la force à trop sociabiliser. La salle se vida et les rires s’éloignaient déjà alors que le balais fut saisi d’une poigne ferme. Hors de question que toutes les marches soient montés, encore moins à cette heure où les escaliers se faisaient on ne pouvait plus farceurs !
Et éviter Diana ! Sinon, pour sûre, elle va me proposer d’aller se balader, ou pire ! Voir les autres professeurs… Je suis pas prête, c’était une grosse journée… Et puis… Je l’ai encore vu avec son cognard… Peut-être pourrais-je rester si Malphas est là ? Il parle pas trop donc ça devrait aller.
Et là, un regard qui se posa à l’horizon pour observer l’astre solaire décliner lentement mais sûrement. Le sourire s’étira à ses lèvres et cette fois, alors que les jambes enfourchèrent le balai, la destination était claire. Pas trop proche de sa chambre où elle savait que la professeure de potion la retrouverait mais un peu plus haut, sur les toits, à observer la nuit qui ne tarderait pas à prendre place. Et les étoiles qui retenaient leur souffle avant l’heure du grand bal. Dans sa besace fermement tenue de sa main libre pour lutter contre le vent, se trouvait de quoi tenir une bonne partie de la nuit et il ne fallait pas que cela tombe. Mais en balai, la distance à parcourir pour rejoindre le toit du septième étage parut n’être que quelques secondes en vol. Le côté agréable du trajet ajoutait au moment ce que Skylar cherchait : une coupure. Si elle avait mieux lu ses cartes, mieux plongé son regard dans le crystal iridescent, elle aurait vu qu’effectivement, la coupure serait franche et bien plus surprenante que ce qu’elle vivait là. Un “avant” et un “après” qu’elle avait déjà connu, une nuit là aussi, où la Lune haute avait avalé son monde.
Cheveux roses, la rendant reconnaissable entre tout·e·s. Un cœur s’arrêta de battre un instant à la vue de Lizbeth. Ce même cœur qui pourtant paraissait parfois insensible au monde. Ce même cœur qui se remit à battre plus vite et plus fort. C’était l’effet que la louve lui faisait. Un sourire naquit, timide et maladroit, aux mots qui s’échappèrent des lèvres de la plus âgée. Pourtant, la place ne fut pas présente pour une réponse, quelle qu’elle aurait pu être d’ailleurs, car sitôt, Liz’ reprit parole. Intarissable. Magnifique. Amusante. Un rire fut retenu : difficilement. Le souvenir d’une conversation épistolaire s’installa, surplombant presque le monologue. L’attente de la chouette, le renvoi de Dawn qui secouait les plumes toujours heureuse de parcourir le monde. Pour un peu, il aurait été facile de croire qu’elle aimait rejoindre celle vers qui sa propriétaire l’envoyait régulièrement. Et puis la tirade prit fin, alors qu’elle observait les yeux clos et le corps alanguis sur les tuiles. Soudain, la réflexion fit son bonhomme de chemin, d’autant que la question était en parfaite corrélation avec cette dernière : sa mentor avait donc peur qu’elle lui en voulait ?
— Je suis tellement heureuse de te revoir, Liz’...
Les premiers mots étaient quasiment inaudibles, et pourtant, ils ne furent pas répéter. Pour un peu, on aurait pu se demander s’ils avaient été sciemment prononcés, ou s’ils avaient fuis par eux même de sa bouche pour exploser en une vérité parfaite dans le monde du réel, du concret. Les joues rougirent elles, là où dans sa poitrine rien ne se calmait. Cette joie qui la bousculait était assez rare pour qu’elle en savoure la richesse.
— Sur une échelle de 1 à 10 seulement ? Je ne suis pas sûre que ce soit suffisant… Depuis quand n’as-tu pas donné de nouvelles déjà ? Chaque jour compterait certainement pour un point.
Elle aurait pu paraître sérieuse si elle ne finissait pas par pouffer amusée, le cachant derrière sa main, pour finir par rire plus franchement incapable de se retenir. Son regard accrocha enfin celui de la femme aux cheveux roses.
— J’en conclus que tu as fini ton rite initiatique ? Cela doit te faire étrange de revenir à Poudlard après tant d’années. Tout a changé, mais tout est pareil… Mais d’ailleurs, comment tu as fait pour…
Un instant le silence revient. Le soleil continuait sa descente et un vent léger se leva, en même temps que Skylar qui, habilement, rejoint sa mentor tout en prenant son balai et sa besace avec elle. Il est vrai qu’elle l’avait connu attrapeuse. Cela faisait depuis longtemps qu’elle n’avait pas vraiment fait de match, même si parfois elle s'entraînait avec Diana, juste pour le plaisir, surtout depuis son accident. Une fois allongée, et le balai calé à nouveau contre une tuile remontée, la sensation de bien-être repris elle aussi sa place. La revoir après tant d’années avait un quelque chose de surréaliste. Peut-être restera-t-elle assez pour qu’elles puissent contempler les étoiles ensembles ? Certaines montraient déjà le bout de leur nez, çà et là.
— Oui, j’aurais pu faire d’autre chose, mais tu te souviens de… Enfin… la professeure.., les joues qui se teintèrent à nouveau, alors qu’elle songeait à leur ancienne professeure de divination pour laquelle elle était tombée en amour, plus jeune. Je l’avais toujours dit et je suis devenue sa remplaçante au final, même si j’ai hésité avec l’étude des runes. Après tout, je les utilise aussi dans mes cours. L’espace-temps m’a toujours fascinée, presqu’autant que les étoiles. Mais elles, je les garde en loisir, pour me permettre de rêver encore.
Sa main se dressa vers le ciel, comme pour venir en caresser les pourtours inexistants. Se redressant sur ses mains derrière elle, ses yeux se perdirent à la contemplation du ciel avant de revenir à celle de la jeune femme à ses côtés.
— Et tu suis les traces d’Hagrid. Je me demande ce qu’il devient d’ailleurs, mais je sais déjà que les élèves vont autant t’apprécier que lui. Et mes lunes se passent bien, d’ailleurs tu ne vas pas tarder à t’en rendre compte, il ne reste que quelques jours avant la prochaine.
Une lueur d’excitation s’installe dans son regard et légèrement, il était possible de sentir son agitation. C’était comme si sa louve en elle ne demandait qu’à être libérée. Avec les années, avec l’aide de sa mentor, elle avait appris à complètement accepter sa part nouvellement animale en elle. Et si les premiers temps elle s’était sentie totalement perdue et désarmée, si elle avait eu peur d’elle même et de Lizbeth, désormais, elle savourait l’essence même de la lune et de ses effets qu’elle sentait beaucoup plus fortement.
— Je me demande parfois si elle t’en veut encore, je crois que j’ai toujours évité le sujet. Ne lui dit pas mais… Elle me fait peur, parfois.