« Tais-toi… » La rage le prend aux tripes. Peu importe mon discours, il ne m’entend plus. Il est prêt à exploser. Il s’est rapproché d’une chaise et l’agrippe avec force. Que va-t-il faire ? Je reste à l’affût, prêt à me protéger mais ne préférant ne pas bouger pour ne pas exciter la bête sauvage prête à charger. « TAIS-TOI ! TU N’ES PAS MON PERE ! » Cette réflexion me fait l’effet d’un coup puissant donné derrière la tête. Puis il balance la chaise qu’il tenait. Elle traverse la pièce et se brise en plusieurs morceaux sur le mur. Il me lance un regard… qui n’est pas du tout emprunt de colère. J’y lis une grande détresse qui me saisit. Je fais un pas vers lui mais il est parti de l’autre côté.
Il me fixe mais j’entends sur ces propos ne me sont pas vraiment destiné. Tout en parlant, il se saisit de la lampe. « Tu te crois plus malin et plus intelligent c’est ça ?! tu sais ce qu’a dis ma mère il y a 1 an ? Hein tu veux savoir ! » Et la balance à la fin de sa phrase comme pour ponctuer son discours. Je sursaute malgré moi. Il rit une nouvelle fois froidement, excédé par ses propres émotions. Que voulez-vous que je fasse. Je le regarde faire, priant pour qu’il ne s’en prenne pas à lui même par la suite. « Que j’étais la pire chose qu’il pouvait arriver à quelqu’un et que j’étais une malédiction et que c’était de ma faute si elle était devenue folle. Et que je ferais du mal à tous ceux qui s'approcherait de moi, parce que j'étais une abomination. »
« Lancelot… » Je suis touché en plein coeur. C’est abominable de sortir une chose pareille à son propre enfant. Il s’apprête à retourner la table basse mais la colère semble retomber. Il regarde ses mains blessées et ensanglantées et se laisse tomber au sol. Je me précipite à ses côtés, me mettant à genoux à terre, avec lui. Ce genre de paroles empoisonnés ne sont rien quand on ne considère pas la personne qui nous les inflige. Mais quand il s’agit d’un être aimé, de manière inconditionnel, car c’est toujours ce qu’éprouve un enfant pour ses parents, les dégâts sont considérables. L’enfant culpabilise de ne pas être aimé. S’en veut profondément.
C’est un petit garçon tremblant que j’ai tout près de moi. Alors doucement, je viens poser ma main sur son épaule. « Lancelot… Je suis là. » Sont les premières paroles qui me viennent. « Ce n’est en rien ta faute. » Ma main passait doucement de son épaule à son visage. Je me rapprochais un peu et l'invitait dans une étreinte, en posant simplement ma tête près de la sienne, lui proposant mon épaule s’il souhaitait s’y abandonner. « Ces paroles sont horribles. Tu ne méritais pas de les entendre. Tu n’as rien fait pour qu’elle te dise une chose pareille. »
Je me reculais un instant, repoussant les mèches de cheveux en tout sens et pour mieux voir son oeil embué de larmes. « Je te connais. Tu t’es toujours battu contre le monde entier. Malgré tout ce qu’on pouvait dire sur ton père ou ta famille, tu as continué d’avancer. Tu es devenu un fier jeune homme... » Au vu de tout ce qu’il venait de me balancer dans la tête, je m'abstiens d’expliciter qu’il sait comment s’y prendre pour repousser les gens autour de lui. Ce n’était pas le bon moment de revenir là dessus. « Et tout ce que tu es aujourd’hui, n’a plus rien avoir avec ta mère. Elle est malade. On prend soin d’elle. Tu ne peux plus donner crédit à ses paroles. Elles t’ont trop longtemps fais souffrir. »
En regardant un instant l’état de la pièce, je prends conscience qu’on a échappé belle. Que cette rage ne s’en était pris qu’à du matériel et que j’avais décidément bien fait de lui rendre visite aujourd’hui. Doucement, je lui prends les poignets pour observer les dégâts. Sans un mot, je sors ma baguette, murmure une incantation d’apaisement et retire les morceaux de verre avec un sortilège de lévitation pour ne pas avoir à y toucher et pour être sûr qu’aucun morceau ne reste dans la chaire meurtri. Je sors une petite trousse de premier secours de ma poche sans fond et nettoie la plaie avant de lui faire un bandage. Je tente un trait d’esprit pour apaiser l’atmosphère pesante : « Heureusement que tu ne me l’as pas balancé en pleine figure cette lampe... »