La colère, un sentiment des plus primaires, mais aussi des plus humains. Ressentir de la colère est une preuve d'humanité. Celui qui ne vit s'en éprouver de sentiments aussi fort ne peut en vivre d'autre comme l'amour ou la tristesse. De part son passé, James a su dompté cette colère qui l'habite. Autrefois vive, le poussant à réagir de manière sanguine, elle est pour lui bien plus douce quoique toujours aussi amère. Il ne la ressent bien moins souvent aujourd'hui, il a appris à se contrôler, mais aussi à relativiser. Il cherche à comprendre ce que ressente les autres avant de juger sans la moindre merci. C'est une évolution notoire qui l'a amené à devenir plus grand et plus complet. Il n'est plus le reflet d'une justice et d'une vengeance froide. Malgré cela, il ne cherchera pas à aider le monde entier, il n'est pas un sauveur. Il est humain comme tous le monde, il a ses failles et ses faiblesses.
Cet échange de Rajani semble le mettre à nu, ouvrir des plaies qui semblaient s'être refermer, mais James le sait très bien, il n'en est rien. Rajani semble s'adonner à un jeu ou il pense mettre James à mal. Vivre avec une colère permanente est monnaie courante pour James. Elle n'est pas forcément aussi forte qu'avant, mais toujours présente. C'est cette colère froide qui souvent entraîne une distanciation avec de nombreuses personnes, seulement lorsqu'il commence à parler, les gens comprennent qu'il n'y a pas que ça et font fit de cette première sensation.
L'empathie est quelque chose de tellement particulier. Je n'aurai pas aimé avoir un don similaire surtout avec ma manière d'appréhender les sentiments. Il s'amuse toujours à me dire que je suis un handicapé des sentiments et ce n'est pas le seul à me le dire. Malphas m'en a souvent fait la remarque, m'observant grandir, évoluer, mais toujours me refermer. Ne jamais exprimer ce que j'ai sur le cœur. Malgré cela, il est content de me voir réussir à combattre et apprivoiser mes démons.
Je me demandais s'il allait réagir. M'attaquer dans le dos aurait pu être une de ses solutions, cela m'aurait donné une raison de faire pleuvoir une pluie de sort à son encontre.
Cela aurait été contre productif, mais agréable à mes yeux. Il a aussi la chance qu'on soit dans l'enceinte de Poudlard. J'ai toujours préféré me battre en extérieur, cela permet d’enchaîner sort et transplanage. Ce n'est pas conventionnel pour un duelliste, mais plus pour un combattant.
Sa solution était originale. Un sort me frôla et vint barrer ma route. Il ne voulait pas encore clore notre échange. Comme à son habitude, il reprit la parole. On avait dépassé un stade de notre relation en ce jour. Il allait falloir trancher dans le vif.
Ses paroles n'étaient que dédain, gonflé d’orgueil et de mépris. Me faire traiter de bouffon n'était pas des plus agréables, mais ça ne serait pas la première ni la dernière fois. Des insultes puériles et vide de sens comme la personne qui les émettait.
Je lui réservais aussi quelques petits tours de passe-passe, mais étant poli pour ma part, j'allais attendre qu'il termine afin de cerner ce qui lui tenait le plus à cœur. Se levant, il me rejoignit devant la porte. On sentait une rage en lui de part sa manière de se déplacer. Elle n'était pas fluide et le pas était lourd. Ma douce colère ne m'avait toujours pas quitté, elle coulait le long de mon dos. Je ne la rejetais pas, je continuais par contre de respirer doucement afin de la contrôler. Vouloir la combattre ne pouvait qu’entraîner une hausse de tension, provoquant un basculement de la situation déjà si électrique.
Il semblait ne pas vouloir combattre, du moins pas par la magie vu qu'il rangeait sa baguette. Les paroles étaient sa plus grande arme de toute façon. Il allait falloir qu'il déballe ce qu'il avait sur le cœur sinon il risquait d'en faire des cheveux blancs vu son attitude.
Il prit la parole et sans grandes surprises, ce fut le sujet de Becky qui revint sur la table. Il n'en démordait pas. Je lisais toujours énormément d’égoïsme dans ses propos, je me demande comment il a pu finir à Gryffondor avec une telle mentalité. Ce qui est étrange, c'est que le choixpeau ne se trompe jamais. Ne serait-ce qu'une facette, je ne sais pas. Je n'ai pas forcément l'envie, le temps et l'envie de me pencher dessus.
Il a beau penser que je veux être un sauveur, je n'en suis pas un. Je veux protéger ceux qui en ont besoin et ne pas laisser le mal vaincre. Si j'avais un si grand cœur bon et une grande âme, j'aurai fini chez les blaireaux or ce n'est pas le cas.
Il continua à parler vis à vis de Becky. C'est qu'il est tenace le petit lion. Il n'en démords pas. Tu m'étonnes que Becky ne lui ait jamais parlé de moi. Il me perçoit comme beaucoup d'autres et il n'ira pas chercher plus loin.
Soudainement, il me tend la main. Je ne m'y attendais pas. Rien ne pouvait présager d'une telle action. Que voulait-il ? La paix ? Je n'en suis pas convaincu. Après, j'ai pour principe de ne jamais refuser une main tendue, mais il n'allait sûrement pas le regretter. Si Monsieur veut voir ce que je ressens alors, j'allais lui montrer les serres du corbeau.
Ma main rentra en contact avec la sienne et je me plongeais simultanément dans son esprit. La légilimancie ne sert pas seulement à lire les pensées des autres. Elle peut aussi leur faire voir d'autres choses. Je me concentrais afin de lui transmettre une image du lac qui se trouvait au fond de moi. Il pu ainsi voir ce lac plongé dans l'obscurité avec une représentation de moi-même flottant à sa surface. Autour de moi, une lumière bleuâtre m'éclairait par le fond. Un regard perçant illuminé de bleu se trouvait derrière ma représentation, le fixant non pas avec de la haine, mais avec conviction. Je lui laissais cette image alors que je prenais la parole.
« Tu es beau parleur, cela m'incombe peu. Tu n'es rien à mes yeux. Tu peux me traiter de bouffon, me cracher au visage, ce ne sont que des réactions puériles et sans fond. Tu veux me menacer, mais qui es-tu ? Un sorcier comme les autres. Tu me veux me défier, mais de quel droit penses-tu pouvoir le faire ? Renseignes toi bien avant cela, tu te pavanes quand je m'exerce sans relâche. Restes à ta place et continue de faire le beau comme tu sais si bien le faire. »
Sur ces propos, la scène change. Je lui montre maintenant la fameuse soirée. Celle où j'avais fait la rencontre, si on peut dire cela, de Becky.
Il était tard, j'avais été me promener afin de me détendre l'esprit. Une journée fatigante comme il y en a tant. Je rentrais quand j'aperçus justement Becky au prise avec un homme d'une petite trentaine. Sûrement un sorcier de passage, sa manière d'être ne me plaisait pas. Il se montrait agressif envers ma compagne de maison. Je disparus alors dans un courant d'air avant de réapparaître dans son dos. L'attrapant par le col de sa veste, je le fis voler un peu plus loin puis d'un habile geste de la main, je le désarmais avec un Expelliarmus bien placé.
Ce fut notre première vrai rencontre avec Becky.
Stoppant la scène, je plongeais mon regard dans celui du Gryffondor.
« Où étais-tu quand cette scène c'est déroulé ? Tu parles comme à ton habitude. Si elle est ta seule amie, pourquoi tu ne l'as pas protégé cette nuit là ? Je te préviens d'une chose Rajani, ne t'avises plus de vouloir me dire quoi faire ni de me menacer. Beaucoup se sont retrouvés chez Mr Southman pour beaucoup moins que ça. »
Je lui lâche alors la main et dégaine ma baguette. D'un simple mouvement, je dresse un mur protecteur éphémère entre nous avant de lever son sort et de m'engouffrer par l'ouverture de la porte. En partant de dos, je lance une dernière parole.
« Ne l'oublies pas ! »