Aujourd’hui était notre premier jour de notre première année à Poudlard. Un grand moment en somme, que nous attentions tous avec avidité. Pouvoir goûter à tous ces « on dit » qu’on avait pu entendre à propos de la célèbre école pour sorcier, ça n’avait pas de prix. Sans grande surprise le Choixpeau avait décidé de m’envoyer chez les gryffondors la veille au soir, durant la répartition des 1ères années. En fait, depuis que ma famille – et surtout mon grand frère – avaient su que je serais accepté l’année suivante à Poudlard, ils avaient déjà fait leurs pronostics. D’un commun accord il avait été décidé – sans mon consentement – que j’allais forcément terminer chez les rouges. La maison des âmes fortes, des têtes brulées, des courageux et autres joyeusetés. En toute franchise, j’avais beau n’avoir que onze ans, je m’en fichais un peu de cette histoire de maison. Tant que je pouvais me faire de nouveaux amis et passer des années paisibles entre les murs de Poudlard, le reste m’irait.
Mais qu’aurait été la situation si je n’avais non pas appartenu à une famille de sang-mêlé, mais de sang-pur ?
Aurais-je finis comme elle ? pensais-je intérieurement tandis que la beuglante se consumait entre les mains de ma voisine de table. J’étais descendu un peu tôt ce matin parce que je mourrais d’impatience de goûter à toutes les sucreries qui allaient être servies pour le petit déjeuner. Pas une seule seconde, depuis que j’avais sauté de mon lit pour rejoindre la grande salle, je m’étais imaginé pareil premier petit déjeuner à l’école des sorciers. Parce que ma voisine de table, une jolie blonde aux airs un peu timides et aux grands yeux bleus, ne venait non pas de recevoir une, mais deux beuglantes. Vraisemblablement envoyées par chacun de ses deux parents.
La double peine, quoi. La deuxième beuglante n’avait pas terminé de se consumer dans l’assiette de la jolie blonde que, déjà, les épaules de cette dernière se mettaient à tressauter. Et de grosses gouttes de la taille de mon ongle de pouce – ou presque – dévalèrent ses pommettes hautes en un flot discontinu. Une désagréable sensation s’empara de moi, pareil à un frisson d’effroi, et me traversa de la tête aux pieds. J’étais tellement désolé pour elle à cet instant. Si je n’avais pas été très attentif pendant la séance de répartition, le patronyme Malefoy était revenu plusieurs fois dans le discours de chacune des beuglantes et la veille j’avais entendu deux élèves plus âgés murmurer à propos de la Malefoy de première année qui s’était retrouvée chez les gryffondors. Du jamais vu auparavant. Normal qu’elle finisse dans cet état après.
Le temps que je me ressaisisse la demoiselle avait déjà sauté sur ses pieds, bafouillant un semblant d’excuse, avant de s’éclipser par la grande porte. Non sans bousculer quelques personnes sur son passage. Ce n’est pas ça qui allait lui permettre de ne pas se faire remarquer. Pourtant elle avait eu de la chance dans son malheur, nous n’étions qu’une petite trentaine, tout au plus, lorsqu’elle avait décacheté son courrier.
Enfin, je dis ca mais les rumeurs ont l’air d’aller bon train par ici. Toute cette histoire m’avait efficacement coupé l’appétit. Je ressentais déjà le pincement des remords poindre et venir titiller mes poumons.
Ok, très bien, puisque c’est comme ça. Ni une, ni deux, je tirais sur ma chemise, impeccablement enfilée, pour la sortir de mon pantalon. En tenant les deux pans de celle-ci, j’entrepris de l’utiliser comme panière et y déposait une multitude d’ingrédients variés. Des pancakes, quelques fruits de saison, des brioches fourrées et même des croissants qui me semblaient pourtant être des spécialités françaises. Lorsque mon cabas de fortune ne pu plus rien accueillir j’en refermais les bords vers le haut pour ne rien perdre en route et me décidait à me lever à mon tour de table. Quelques curieux qui m’avaient vu faire mon petit manège, me regardèrent bizarrement, mais heureusement pour moi personne n’osa m’interpeller avant que j’atteigne les portes de la grande salle. Un verre de jus de citrouille à la main, je me dirigeais un peu à l’aveuglette parmi la marrée qui se mouvait en sens inverse. Des remarques désobligeantes, prononcées par des élèves qui venaient vraisemblablement d’être bousculés un peu plus loin, m’indiquèrent le chemin à suivre. Très vite je me retrouvais dans le parc attenant à l’école et je n’eu plus qu’à suivre les bruits étouffés de pleures pour m’orienter.
La blondinette était bien là, acculée contre un mur, les genoux ramenés contre sa tête dans une position de défense. Entre deux sanglots, elle réussi tout de même à me supplier d’aller voir ailleurs, ce que je ne fis pas le moins du monde évidemment. A la place, je décidais de m’asseoir à nouveau à côté d’elle. Avec des gestes d’une haute précision – oui, je m’appliquais – je fis en sorte d’ouvrir le renflement de ma chemise pour en déposer le contenu sur mes cuisses. J’avais besoin de me libérer les mains. Le verre de jus, je le posais devant la blondie et de ma main libre j’entrepris de lui caresser le dos comme le faisait si souvent ma maman quand j’étais vraiment malheureux. Si ça marchait sur moi, ça devait bien marcher sur elle aussi, peu importe son nom de famille.
Si elle eut un soubresaut à mon contact, elle ne sembla pas me déloger tout de suite. Aussi en profitais-je pour continuer tout en lui murmurant :
« —
Tiens, tu devrais manger un peu. Tout paraît toujours s’arranger quand on a le ventre plein. Puis tu sais, une beuglante, on est tous amené à en recevoir une dans sa vie. Toi c'est arrivé un peu plus tôt que pour les autres, voilà tout. »
Toujours pas de signe de vie. Bon, essayons autre chose.
« —
Je m'appelle Hiroshi, mais tu peux m'appeler Hiro si tu préfères. Je suis chez les Gryffondors, comme toi. Et à part ce vilain nom de famille qui semble t'apporter beaucoup de problèmes, ton prénom, c'est comment ? »