Sinon, je ne t’aimerais pas
Deryn avait eu beau l’avoir lâchée, Nayla n’avait pas bougé d’un poil pour autant, figée dans sa posture légèrement repliée. Mais elle n’arrivait pas à croire un mot de ce que lui disait son amie. Elle exagérait, assurément. Tous ces qualificatifs aussi négatifs, ce n’était pas la Deryn qu’elle connaissait et qu’elle aimait. Bien sûr, Drew n’était pas aveugle, elle l’avait vue être dure, même avec elle… Mais elle ne pouvait pas concevoir que Slughorn aimait vraiment « être méchante », ça lui semblait insensé. Pourtant, c’était ce qu’elle lui débitait, là, appuyant qu’elle voulait qu’on la craigne et qu’on lui mange dans la main, pour pouvoir contrôler.
Hochant doucement la tête à la négative, la Poufsouffle se secoua un peu, s’efforçait de sortir de sa torpeur. Même si elle n’avait pas réussi à retenir toutes ses larmes et que quelques traîtresses roulaient sur ses joues, Nayla n’avait pas bronché, ni tenté de les essuyer. Elle s’était contenté de se pencher pour déposer les manuels et la paperasse qui encombrait son seul bras valide, et s’était redressée pour faire face à Deryn. Le couloir du sous-sol qui les verrait se séparer pour leur salle commune était désert. Il se faisait vraiment tard, la plupart des élèves étaient donc déjà rentrés dans leur dortoir respectif, même si ce n’était pas impossible qu’il y en ait encore en route qui passent à côté d’elles.
Ces allusions à la lumière et à la noirceur effrayèrent un peu Drew. Sa copine n’avait tout de même pas l’intention de se tourner vers le mal, quand même? Il y avait tout un pas à franchir entre être détestable à l’école et vouloir soumettre le monde entier sous son joug, comme l’avait déjà fait des mages noirs dans le passé. Frissonnante, Nayla essaya de chasser cette pensée folle. Non, Deryn avait sa lumière en elle, elle le savait, elle l’avait vue et même touchée à de nombreuses reprises. Abandonnant toute résistance, ce fut au tour de la Poufsouffle de serrer l’épaule de son amie de sa seule main valide. Mais seulement pour l’attirer vers elle et l’étreindre ensuite.
-Non, je ne comprends pas… chuchota-t-elle pour s’assurer d’être inaudible sauf pour Slughorn. En fait, je n’y crois pas, Deryn. Tu es loin d’être aussi mauvaise que tu le prétends. Si c’était le cas, tu ne chercherais pas ma compagnie pour « changer un peu de registre ». Et tu ne m’aimerais pas non plus… murmura-t-elle avec une grande assurance malgré tout, confiante en ce qu’elle disait.
Si Deryn aimait autant changer d’air et être un peu plus sympa de temps à autres, c’était qu’il y avait de l’espoir pour elle, non? Au fond, elle ne pouvait pas vraiment aimer être méchante. C’était impossible, trop lourd à porter, inconcevable dans l’esprit de la jeune Poufsouffle.
-Dans le noir ou dans la lumière, moi je t’aime toujours autant, Deryn. Oublies un peu les autres, et penses un peu à toi, pour toi… pas à ce qu’eux pensent de toi. Moi je m’en fiches de ce qu’on pense de moi, ou de toi, pour ce que ça vaut. Tu sais, mes amies de maison me demandent souvent pourquoi je ne t’ai pas larguée, que je continue à te fréquenter. Elles disent que tu es méchante et que je mérite mieux. Mais je ne les écoute pas. Moi je le sais, qu’au fond, tu es bien mieux que ça. Serrant d’avantage sa faible étreinte d’un seul bras autour de ses épaules pour l’empêcher d’essayer de fuir (même si elle aurait aisément pu le faire vu son bras blessé) Nayla enfoui encore son visage dans le cou de Deryn, comme elle l’avait fait un peu plus tôt, lorsque les rôles étaient inversés… mais que c’était encore elle qui pleurait. Sinon, je ne t’aimerais pas autant…