Cuisiner avec son coeur, pas sa baguette

La fin de la semaine s’était écoulée sans tracas, Nayla n’avait pas eu trop de mal à rattraper son retard scolaire malgré tout, et certainement beaucoup grâce à Deryn. Ce qui faisait qu’elle se sentait d’autant plus mal de n’avoir rien de grandiose à lui offrir pour son anniversaire cette année. La seule idée qu’elle avait eu traînait dans le fond de sa valise, elle n’osait pas le lui offrir. Il lui avait bien passé un petit plan en tête, mais elle n’était pas certaine de sa faisabilité.

En fait, c’était même assurément impossible à réaliser un lundi, mais par dimanche matin, Drew tenta le coup, se réveillant très tôt pour se rendre aux cuisines. Au début, elle avait craint que ce soit interdit pour elle de mettre en œuvre son projet, ou même que les elfes de maisons s’en insurgent : après tout, c’étaient eux les responsables de la nourriture dans l’école, ils n’aimeraient probablement pas voir une élève s’activer à leurs chaudrons. Toutefois, lorsqu’elle avait expliqué les raisons qui l’emmenaient ici, les tout petits cuisiniers de Poudlard s’étaient même montrés enthousiaste de son initiative, et comprenant qu’elle prenait à cœur le fait de tout réaliser seule, ne l’avaient aider qu’à trouver les aliments et les ustensiles dont elle avait besoin pour s’activer, malgré sa main gauche légèrement handicapée.

La Poufsouffle avait donc passé une majeure partie de la journée dans les cuisines de l’école, travaillant en ignorant le brouhaha des elfes de maisons qui devaient aussi d’activer pour nourrir tous les élèves et étudiants de l’école. Ne s’arrêtant même pas pour manger elle-même, Nayla grignotait ici et là, validant la qualité de ses mets à elle, avant de reprendre son travail. À la fin de l’après-midi, un magnifique petit gâteau, de format modeste, mais aux saveurs complexes, était décoré avec soin et portait la mention « Joyeux anniversaire Deryn| ». Divers plats réalisés par les bons soins de l’élève trônaient au tour, annonçant un repas à plusieurs services de ses mets préférés et de ceux de sa meilleure amie… Enfin, elle espérait ne pas s’être trompée sur ceux-ci, puisqu’elle ne mangeait jamais à la table des verts.

Rien n’avait la perfection magique des aliments préparés par des elfes de maisons, mais c’était justement ce qu’elle n’avait pas cherché à reproduire. À aucun moment, Drew n’avait sorti sa baguette. Parce que quand elle cuisinait, elle le faisait avec son cœur, pas avec sa magie.

Enfin satisfaite, Nayla couru jusqu’à sa Salle commune pour troquer ses vêtements sales pour une robe propre de sa garde-robe moldue, ce qu’elle préférait toujours porter les fins de semaines, car plus colorées que les banales robes noires que tout le monde portaient à journée longue. D’ici une ou deux heures, les élèves commenceraient à affluer vers la Grande Salle pour le dernier repas de la journée, elle devait donc trouver Deryn avant cela. Mais voilà… c’était la faille à son plan… Comment faire pour la trouver maintenant? Au hasard, elle essaya la bibliothèque, puisque son amie était très studieuse, et soupira de soulagement en la trouvant aussitôt, mais surtout, seule… Elle n’aurait pas aimé devoir affronter des élèves de Serpentard alors qu’elle portait une jolie tenue blanche et rose et arborait des fleurs décoratives dans ses cheveux… Ils l’auraient moqué, nécessairement.

-Deryn? chuchota-t-elle discrètement en s’approchant de la table où travaillait sa meilleure amie. S’il-te-plait, va ranger tout ça et rejoint moi devant ma Salle commune dès que possible. Et pas de questions… précisa-t-elle avec un petit sourire malicieux avant de s’éclipser aussi vite qu’elle était arrivée pour s’assurer que la voie serait libre… et pour éviter lesdites questions.

C’est une surprise

Prenant les devants, Nayla arriva bien avant Deryn au point de rendez-vous. De toute façon, elle s’attendait à ce que son amie passe par sa Salle commune pour ranger ses travaux avant de la rejoindre, du coup elle avait le temps. Personne ne semblait traîner dans le couloir menant à la cuisine pour les surprendre, et après un dernier coup d’œil à l’intérieur de celle-ci, Drew eut la confirmation que la voie était toujours libre. Il n’y avait pas d’autre élève de Poufsouffle qui était venu se servir en cachette, puisque de toute façon, c’était presque l’heure du repas du soir et donc… ils se dirigeaient tous vers la Grande Salle. Normalement, elles ne devraient pas être dérangées!

Toutefois, en vérifiant que ses petits plats étaient bien en place et en jetant un coup d’œil sur la petite table simple munie de deux chaises qu’elle avait installée là pour l’occasion… Nayla eut tout un choc! Pendant son absence, les elfes de maison c’étaient amusés à rendre leur petit repas plus mignon, et avaient suspendus au plafond des rubans jaunes et verts entrelacés. Quelques ballons des mêmes couleurs, ainsi que des argentés, flottaient magiquement en l’air juste au-dessus de sa tête, sans paraître accroché à quoi que ce soit. Finalement, une jolie nappe verte brodée d’argent et de la coutellerie argentée garnissaient magnifiquement la table.

-Merci… chuchota Drew, l’air émue, en lançant quelques baisers soufflés en direction des petits serviteurs de l’école pour ne pas trop les déranger alors qu’ils s’acharnaient à la préparation du repas pour tout l’école.

Elle avait toujours l’air un peu sous le choc, mais un sourire enchanteur aux lèvres, lorsqu’elle ressorti de la cuisine et traversa la courte distance qui la séparait de sa Salle commune. L’instant d’après, Deryn arrivait, tirant une tête qui fit marrer Nayla. La pauvre avait vraiment l’air de se demander ce que son amie manigançait. Un sourire mystérieux aux lèvres, l’adolescente montra une simple bandelette de tissus noir à son amie et s’approcha lentement, bien décidée à lui bander les yeux.

-C’est une surprise, tu dois cacher tes yeux deux minutes… après, je te l’enlèverai, d’accord?

Mais, sans vraiment attendre l'accord de son amie, elle était déjà derrière elle à lui passer le tissus sur les yeux et le nouer derrière sa tête, puis la guida doucement vers l'entrée de la cuisine, se retenant pour ne pas pouffer de petits rires excités.

Joyeux anniversaire, Deryn!

Gloussant, Nayla ne répliqua pas à Deryn lorsqu’elle lui commenta qu’un sortilège aurait été plus efficace. Parce que ça ne l’aurait pas été, sa sorcière de copine aurait facilement pu le défaire, contrairement au bandeau, là, elle pouvait la surveiller. Même son éternel dédain pour les trucs moldus n’avait pas égrené sa bonne humeur, et Drew se contenta de rigoler un peu.

-Oui, j’aurais pu, mais ça aurait été moins marrant, précisa-t-elle en poussant doucement sa copine vers l’entrée des cuisines, la guidant dans le couloir vide. Et cesse donc de te plaindre, c’est qu’un bout de tissu, pas du ruban adhésif, ça ne peut pas être si inconfortable que ça!

Malgré tout, Slughorn ne s’était pas débattue et n’avait pas essayé de se défaire de l’objet qui lui obstruait la vue, signe certain de la confiance qu’elle accordait à Drew. En définitivement, elle avait beau bougonner, elle était probablement trop curieuse de ce qu’avait mijotée (dans tous les sens du terme) son amie tout la journée pour s’opposer à se faire trimballer à l’aveuglette. De toute façon, elles n’avaient pas une longue distance à parcourir, et arrivaient déjà devant le tableau qui faisait office de passage secret (pas si secret que ça), lorsque Deryn pris quand même la peine de rappeler, pour la forme, qu’étant préfète, elle n’avait pas intérêt à lui faire un sale coup.

-Comme si j’oserais porter atteinte à ton intégrité, ma très chère Deryn… chuchota Nayla en gloussant à l’oreille de son amie, avant de la laisser seule pour aller chatouiller la poire verte, laquelle gloussa à son tour avant de se transformer en poignée de porte. Et puis, j’ai vérifié avec les elfes de maison, ils ne croient pas que ce soit interdit non plus, alors tu ne vas pas me causer d’ennuis pour ça. Enfin, j’espère, après tout le temps que j’ai passé là-dessus! précisa-t-elle bien que ces explications, encore vagues pour la Serpentard aux yeux bandés, ne devaient pas signifier grands choses.

Venant cueillir la main de son amie aveuglée, Nayla la fit entrée dans la cuisine soudainement très silencieuse (bien que toute l’équipe d’elfes cuisiniers s’attardaient à leur tâche) bras dessus bras dessous. Une fois qu’elle fut placée devant leur table décorée et le buffet fait maison bien garni, Drew relâcha sa prise sur Slughorn et dénoua le bandeau qu’elle lui avait mis.

-Voilà, tu peux ouvrir les yeux. Joyeux anniversaire, Deryn! s’exclama-t-elle avec un peu trop d’enthousiasme, pour cacher qu’elle angoissait quand même un peu que son amie trouve tout ça stupide.

Que j'ai fait moi-même

La réaction de Deryn à la découverte de sa surprise d’anniversaire fit l’effet d’une lourde brique qu’on laissait tomber dans l’estomac de Nayla. Ou plutôt, l’absence de réaction de celle-ci, puisque la Serpentard était restée étonnement de marbre, ayant à peine un peu de rouge lui montant aux joues, mais la Poufsouffle ne savait pas si c’était parce qu’elle était touchée par l’attention ou embarrassée. Alors voilà, Drew était complètement angoissée maintenant, certaine que Slughorn n’appréciait pas tous les efforts qu’elle avait mis dans son cadeau… Ou peut-être qu’elle ne les voyait pas, tout simplement?

Clairement hésitante, les propos balbutiés par sa meilleure amie n’aidèrent pas à rassurer Nayla non plus. Pourquoi « J’en suis convaincue » ? Évidemment que c’était gentil, elle avait passé des heures à tout préparer. Avait-elle seulement conscience que…

Non, elle n’avait visiblement pas conscience du travail que ça représentait, bien entendu. Après tout, pour quelqu’un de clairement habituée à être constamment servie par des elfes de maison, était-ce évident de reconnaître le temps et les efforts mis à préparer un repas?

-Évidemment, que c’est pour ton anniversaire… marmonna la Poufsouffle, une moue déçue aux lèvres. Sinon, je ne t’aurais pas souhaité « Joyeux anniversaire », ajouta-t-elle d’un ton découragé, les épaules rabaissées, son regard se posant n’importe où sauf sur la Serpentard embarrassée. Ça te déplaît, je le vois bien… je suis désolée, je croyais que tu aimerais un truc que j’ai fait moi-même. Visiblement, j'ai eu tort, encore. Bon… il me reste encore vingt-quatre heures pour te trouver un meilleur cadeau.

Déjà convaincue qu’il valait mieux débarrasser le tout et retourner manger dans la Grande Salle, Nayla ne comprenait absolument pas que le malaise de Deryn était d’une toute autre origine.

Celui qui n’aimait pas les anniversaires

Peeves était un esprit frappeur. Un esprit, qui ne vieillit pas. Pour qui le concept de temps, d’espace, échappe complètement. Les humains naissent, vivent, meurent. Peuvent parfois devenir des fantômes et hantés les mêmes lieux que lui mais non, lui avait poppé du néant et était éternel : s’il le désirait. Et s’il y a bien une chose que Peeves n’aimait pas, plus que de respecter des règles, c’était les anniversaires. Ah ça non ! Trop de joie, de cadeaux, de musiques aux mêmes endroits il n’y avait rien de drôle ! Vraiment pas ! Enfin si… quand l’esprit n’en faisait qu’à sa tête, tout pouvait devenir drôle…

Un jet de dé pour chaque joueuse, s’il vous plaît ! Et voici ce qui pourrait bien vous attendre…
1 ou 2 : Rien ne se passe, Peeves a renoncé à vous embêter tant mieux pour vous !
3 ou 4 : De Peeves vous n’entendez que son rire et des ballons qui éclatent, quelques bribes de bazar de ci de là et toutes les bougies qui s’éteignent et vous vous retrouvez totalement dans le noir.
5 ou 6 : C’est la fête ! Peeves a une idée sournoise… Armé d’une bombe chantilly, voilà qu’il fait tomber la pluie ! Dans les cheveux, c’est plus drôle ! Il arrose sa victime de crème à défaut de l’entartrer… Il rit si fort, trop heureux de sa blague et disparait dans le néant…

Le bruit dans le couloir

Peinant à cacher sa tristesse, Nayla regardait son « désastre » de surprise ratée avec l’air de se demander quoi faire de toute cette nourriture. Peut-être que les elfes allaient juste servir ses plats à la Grande Salle? Qui se rendrait compte, dans la masse d’assiettes, que certaines n’avaient pas la perfection magique propre aux petites créatures à grandes oreilles? Ne sachant par où commencer et se sentant abattue, Drew songea à juste laisser tout en plan et remonter sans un mot, jusqu’à ce les rires nerveux et propos gênés de Deryn lui parviennent. C’est que celle-ci n’avait pas, jusqu’à cet instant du moins, compris que son amie avait préparé le repas elle-même, toute seule, et venait seulement de le réaliser.

Certes, Slughorn n’avait pas encore l’air de vraiment réaliser l’effort fourni, mais le simple fait qu’elle essayait de dissiper la peine de Drew réconforta celle-ci, juste un peu. La Serpentard était certes maladroite en faisant des compliments, mais la Poufsouffle n’avait rien besoin d’autre. Elle s’efforçait d’en apprécier le travail, et au moins elle souriait maintenant, au lieu d’afficher l’air confus de celle qui n’a rien pigé de ce qui se passait. Dans le dos de Deryn, qui observait les plats avec attention désormais, Nayla se tordait les doigts nerveusement malgré tout.

-Oui… toute seule… je… j’y ai passé la journée en fait, marmonna-t-elle un peu faiblement, expliquant par la bande pourquoi elles ne s’étaient pas vues plus tôt pour travailler. Donc je ne pouvais pas attendre demain, pour ton vrai anniversaire, je n’aurais pas eu le temps avec les cours.

Davantage pour s’occuper l’esprit et oublier sa tristesse que par réel besoin de se justifier, Nayla s’approcha de la table en tendant une assiette vide à son amie et lui expliquant sommairement ce qu’elle avait préparé, plat par plat, quand un drôle de bruit dans le couloir la fit froncer les sourcils et tourner la tête vers la porte. Qu’est-ce qu’elle n’avait pas envie d’être dérangée maintenant! Et surtout, Deryn n’aimerait probablement pas que qui que ce soit surprenne leur petit souper à deux… elle qui pensait tellement à sa réputation avant toute chose. Les elfes de maison, occupés dans leur train-train habituel d’organisation du repas à l’étage au-dessus, ne semblaient avoir rien remarqué.

Peeves

Venant de la bouche de Deryn, le mot « folie » aurait pu être tout aussi péjoratif qu’admiratif, mais Nayla ne sut jamais vraiment ce qu’il en était réellement. Le bruit dans le couloir se répéta à nouveau, et la Poufsouffle frissonna d’horreur en reconnaissant le rire de Peeves. Pas lui, pas maintenant! Son buffet, l’anniversaire de Slughorn, il n’allait quand même pas tout gâcher ça? L’instant suivant, toutes les bougies s’éteignaient, les plongeant toutes deux dans le noir, et le bruit des ballons qui éclatent firent sursauter Drew. Toutefois, même cette surprise-là n’était rien en comparaison de la sensation d’être prise dans les bras de la Serpentard, avant que celle-ci ne jette sur leur petit duo un sort de protection. Cette réaction de son amie l’étonnait plus que tout le reste, et… la rassurait, aussi.

Lorsque les elfes de maison rallumèrent les bougies en bougonnant et en se remettant au boulot en maudissant le « maudit esprit frappeur! », Nayla pu voir à quel point Deryn semblait embarrassée. Ça lui arrivait souvent, ces derniers temps, de rougir dès qu’elles étaient un peu plus près l’une de l’autre, et alors que Drew trouvait cela normal avant… le malaise de Slughorn avait maintenant tendance à déteindre sur elle.

-Ça va… chuchota-t-elle pour essayer de dissimuler son propre embarras. Je n’ai rien et… on dirait bien qu’il n’a pas ruiné la nourriture, au moins.

Et ça, c’était le point central de sa surprise. Que la décoration soit totalement gâchée, que de la vaisselle et des ustensiles jonchent le sol… Nayla n’en avait rien à faire. Son ouvrage à elle n’avait pas été ruiné. Alors que Deryn se détournait d’elle pour invectiver Peeves et le menacer de le dénoncer au Baron Sanglant, Drew reprit un peu contenance et s’occupa les mains en leur servant chacune une assiette.

-Il est probablement déjà très loin tu sais… Et si on mangeait avant qu’il lui prenne l’idée de revenir lancer ton gâteau d’anniversaire au travers la pièce? suggéra Nayla avec l’espoir de ramener son amie auprès d’elle, prenant même déjà place à la table. Je n’étais pas vraiment sûre de ce que tu aimais manger, puisqu’on ne passe jamais de temps ensemble dans la Grande Salle… alors, j’ai fait un peu de tout… ça… ça te va ?

Il lui avait été difficile de cacher le léger reproche en mentionnant qu’elles ne partageaient pas leur table à l’étage au-dessus, parce qu’elle était tout aussi coupable que Deryn dans cette histoire : si celle-ci ne voulait pas s’afficher trop avec des nées-moldues comme la Poufsouffle, disons que l’autre n’essayait pas non plus de se faire des amis parmi les Serpentard, qui l’intimidaient bien trop pour qu’elle ose.

Repas romantique

Trop naïve pour ne pas se faire berner, Nayla ne se rendit absolument pas compte que Deryn feignait l’enthousiasme pour lui faire plaisir. Son amie l’avait rejointe à la table et goûtait sa nourriture, il ne lui en fallait pas plus pour la rendre heureuse. Toutefois, malgré tout le bonheur que ça lui donnait à elle de voir Slughorn déguster ses mets, Drew ne put s’empêcher de noter que ce n’était pas fait avec grand appétit, et commença à s’inquiéter. Est-ce que sa copine était malade? Peut-être devrait-elle l’escorter à l’infirmerie, pour être certaine? D’ailleurs, en plus de ne pas avoir répondu à son commentaire sur le fait qu’elles ne mangeaient ensemble (même si elle ne s’était pas vraiment attendu de réaction de la part de la Serpentard), elle semblait éviter son regard.

-Tu… tu vas bien Deryn? T’as l’air bizarre, tu ne te sens pas bien? s’inquiéta Nayla en déposa sa fourchette pour prendre la main de son amie dans la sienne. Tu peux tout me dire, tu sais? Est-ce que… tu es déçue de ton cadeau d’anniversaire? C’est pour ça que tu ne me regardes pas?

Bon, en même temps, si seulement elle l’avait aidée à trouver une idée aussi géniale que ce qu’elle avait reçu en mai dernier aussi, Drew n’aurait pas eu à improviser de la sorte! Quoi que, pour être bien honnête, la Poufsouffle n’avait pas vraiment les finances qui lui auraient permis d’acheter un cadeau grandiose à sa meilleure amie… sa famille ne roulait pas réellement sur l’or. C’est pourquoi elle avait eu l’idée de ce truc simple, mais qui lui permettrait de passer un bon moment seule à seule avec Slughorn, car c’était ces moments préférés à Poudlard, et elle avait espéré que ce soit aussi ceux de Deryn. Après tout, le temps et la bonne compagnie ne valent-ils pas mieux que toutes les richesses du monde?

Se souvenant soudainement de leur conversation maladroite quelques jours plus tôt sur l’éventualité de sentiments amoureux entre elles et l’embarras soudain qui avait pris la Serpentard en lui demandant si tout ça était bel et bien pour son anniversaire et pas autres choses, Nayla fronça soudainement les sourcils, serrant ses doigts autour de ceux de son amie et cherchant à capter son regard.

-Attends… tu… tu ne penses quand même pas encore à… Tu t’ai imaginée que c’était un espèce de repas romantique, Deryn?

Changer des gallions en amour

Nayla était incapable de ne pas trouver Deryn totalement adorable lorsqu’elle se mettait à rougir et à bégayer de la sorte, parce que c’était tellement… exceptionnel à voir. Sa copine était toujours quelqu’un de si assurée, solide… même qu’on pourrait dire qu’elle était un peu l’ancre de Drew. Quand elle se ramollissait un peu comme elle le faisait, là, alors que la Poufsouffle tenait sa main dans la sienne, elle lui semblait tellement plus proche d’elle. Tout en trouvant cela un peu bizarre, bien sûr, parce qu’elle aimait aussi la Slughorn de roc et la confiance qu’elle dégageait.

Mais la jeune Drew était incapable de ne pas se montrer inquiète malgré tout. Si Slughorn n’était pas malade et qu’elle se sentait bien, pourquoi est-ce qu’elle rougissait autant à son contact et se sentait obligée de se défendre qu’elle n’avait surtout pas imaginé que leur rencontre ait quoi que ce soit en lien avec leur conversation d’il y a quelques jours? Le ton sec de Deryn n’avait pas dérangé Nayla, elle y était habituée, c’était son attitude générale qui la confondait. Se pouvait-il… Que la Serpentard était déçue que ce ne soit pas le cas? Qu’elle aurait aimé que ce soit un repas romantique et intime et non une banale fête d’anniversaire? S’empourprant à son tour à cette idée, la Poufsouffle baissa les yeux sur son assiette et s’efforça un peu de manger pour cacher son trouble, mais s’interrompit dès que son amie ouvrit la bouche à nouveau.

-Mais non, pas du tout! Ne raconte pas des trucs pareils, Deryn, c’est totalement faux! s’insurgea Nayla en relâchant à nouveau sa fourchette pour s’emparer cette fois-ci des deux mains de son amie et l’empêche de continuer de se cacher le visage avec celles-ci. Je ne voudrais pas partager ça avec personne d’autre que toi, et rien n’est trop bien pour toi, au contraire. J’avais plutôt l’impression que c’était moi qui n’en avait pas fait assez. Et que tu mérites mieux… Après tout… avec ce que tu m’avais offert en mai dernier…

Soupirant bruyamment, Drew baissa les yeux sur leurs mains jointes, caressant distraitement le bout des doigts de Slughorn sans s’en rendre réellement compte, l’air pensive. Le problème, c’est que la Poufsouffle n’aurait pas pu, de toute façon, offrir un cadeau de valeur à son amie, parce qu’elle n’en avait pas les moyens. Même sa première idée n’avait été qu’une babiole acheté à petit coût, rien d’extravagant.

-C’est juste que, si on en vient à s’échanger des cadeaux plus… onéreux que quelques chocogrenouilles… je ne pourrai pas suivre, tu le sais bien, non? Alors, j’ai pensé compenser avec beaucoup d’amour ce que je n’avais pas en gallions… sauf que… Peut-être que ce n’est pas cet amour-là que tu espérais? bredouilla-t-elle dans un très faible murmure, embarrassée.

Disons qu’elle commençait à se rendre compte que leur relation, depuis le début de cette année scolaire, était, à certains moments, fort différente de la grande amitié qui les avaient simplement unies les années précédentes.

Maintenant, je ne sais plus

Ce qu’elles devaient avoir l’air idiotes, à se contredire l’une et l’autre, à vouloir absolument prendre le blâme pour soi alors qu’il n’y avait, en vrai, aucun blâme à prendre. Après tout, elles étaient juste différentes dans leurs façons de vivre et de penser, mais ces différences ne les avaient jamais empêchés de s’aimer, jusqu’à maintenant. Pourquoi cela devait-il devenir problématique aujourd’hui? En fait, depuis la rentrée, Nayla trouvait que beaucoup de choses entre elle et Deryn avaient changées, sans qu’elle soit capable de dire si elle appréciait ou non ces changements.

Si Slughorn trouvait qu’elle n’était simplement pas douée pour recevoir un cadeau, Drew elle songea qu’à la voir rougir de la sorte et s’efforcer d’avoir les bonnes réactions pour lui faire plaisir était en soit un présent pour elle! Se ramollissant d’un sourire doux, la Poufsouffle fut aussi rassurée de l’entendre lui dire que ses moyens financiers n’étaient pas en cause du problème. Malgré elle, Nayla était incapable de ne pas sans cesse s’inquiéter que Deryn se lasse un jour de traîner cette copine qui « ne lui arrivait pas à la cheville » parce qu’elle ne faisait clairement pas partie de la même caste sociale qu’elle.

Ce fut donc pourquoi elle fut prise au dépourvu que la Serpentard arrache ses mains à son emprise et se recula, bras croisés sur sa poitrine, comme si son contact l’avait brûlée. Son cœur se serra d’ailleurs un peu en constatant que Deryn considérait ses propos comme idiots. Elle ne trouvait pas sa réflexion stupide, honnêtement, pas après la conversation qu’elles avaient eu dans le parc… parce que Nayla n’était plus certaine de réellement croire un seul mot de ce qu’elle avait raconté ce soir-là sur leur simple amitié. Les jours avaient passés, et elle n’avait cessé d’y réfléchir depuis.

-Je ne sais pas… Je ne sais plus en fait, Deryn. Oui, on en a parlé, mais je n’avais pas pris le temps de réfléchir avant de répondre, et tu avais l’air très… mal à l’aise avec l’idée alors… j’ai juste voulu te rassurer. Mais maintenant, je ne sais plus. Et toi? Tu trouves que c’est déraisonnable?

Il faut dire que Drew avait peur de s’avancer trop sur ce sujet et rencontrer un mur, qui risquait d’effriter leur amitié, mais elle était incapable de s’empêcher de vider son cœur.

-Et pourquoi crois-tu que je n’aurais pas envie… ou que je me sentirais obligée de… enfin… tu sais ce que je veux dire.

Et manger le gâteau

C’était ce qui différenciait beaucoup les deux adolescentes l’une de l’autre, sans réellement les rendre incompatible pour autant. Nayla était beaucoup plus fleur bleue et traitait donc ses émotions et son ressentit de façon plus légère. Ne comprenant pas l’intérêt de coucher ses sentiments sur papier pour les analyser de façon méthodique comme le faisait Deryn, spéculant même à voix haute à mesure qu’elle les énonçait, Drew reprit simplement sa place sur sa chaise, et se remit à manger. Parce que elle, tout ça… ça ne lui avait pas coupé l’appétit, contrairement à Slughorn, qui était maintenant si attelée à sa tâche d’analyse de sentiments qu’elle semblait presque en avoir oublié la présence de la Poufsouffle.

Plus la Serpentard parlait, plus elle donnait l’impression de vouloir absolument se détacher de la possibilité de former autre chose qu’une belle amitié avec Nayla, ce qui écorcha un peu le cœur de celle-ci, mais ne l’empêcha pas de finir son assiette. Après tout, elle s’était douté que cette possibilité était… impossible, justement. Un monde les séparait, elle la née-moldue et l’autre la sang pur. Elles ne pouvaient juste… pas. Même si, depuis quelques jours, Drew réalisait que ses sentiments changeaient, et qu’elle n’avait vraiment pas besoin de les coucher sur papier pour comprendre de quoi ils retournaient. Serait-elle capable de juste étouffer son affection particulière pour Deryn et continuer d’être « juste » sa meilleure amie sans trop en souffrir? Il le fallait, elle ne pouvait pas la perdre!

-Et puis, meilleure amie, ce n’est pas si mal que ça en fait… marmonna Nayla, les yeux baissés sur son plat vide, notant que celui de Deryn était encore presque plein et qu’elle l’avait repoussé pour écrire.

Continuant d’écrire en silence, Slughorn semblait absorbée par sa tâche. Tout dans la tête, elle oubliait de juste laisser libre cours à son cœur. La logique n’était pas toujours compatible avec les sentiments, mais ça, la Serpentard ne semblait pas le saisir. D’ailleurs, elle devait clairement trouver cette « épreuve » qu’elle s’imposait ardue, puisqu’elle abandonna sa plume pour se tenir le crâne entre les mains comme si une migraine l’avait prise.

-Ce n’est pas obligé d’être aussi compliqué, Deryn… chuchota à nouveau la Poufsouffle, en relevant lentement son regard vers son amie. On peut juste… essayer et voir ce que ça donne. Ou…

Les mots restants un peu coincés dans sa gorge parce qu’elle n’avait pas vraiment envie de les dire, mais qu’elle trouvait important de laisser une porte de sortie à Slughorn, puisqu’elle semblait se sentir comme dans une impasse, Drew dévia son attention pour la poser sur le gâteau qu’elle ne regardait pas vraiment, avant de débiter le reste de sa phrase sans conviction.

-Ou on peut juste faire semblant que je n’ai rien dis, que cette conversation n’a jamais eu lieu et que je n’ai pas du tout envie de t’embrasser. Et manger le gâteau.

Elle avait carrément la trouille

Mais pourquoi avait-il fallu qu’elle dise ça, c’était tellement stupide, de lui avouer qu’elle avait envie de l’embrasser! Et puis quoi encore? Deryn était déjà complètement troublée juste à l’idée qu’elles puissent être plus que « des amies », et voilà que Nayla lui sortait un truc pareil, sans réfléchir!

Sauf que c’était ça, Nayla… parler sous l’impulsion, laisser ses émotions prendre toute la place et négliger les détails. Maintenant qu’elle y réfléchissait, elle s’en voulait, bien sûr, et s’attendait à tout moment à ce que Deryn se sauve. Ou pire encore… se fâche, se moque, soit insultée, lui en veuille…

Mais rien de tout cela n’était arrivé, et quand Slugorn reprit la parole, Drew releva brusquement le regard vers elle, l’air inquiète. C’est que le ton de son amie lui semblait comme… atterré ? Les mots lui manquaient pour définir l’espèce d’apathie qui avait envahie la Serpentard, mais ça n’empêchait pas celle-ci de se montrer d’accord pour autant avec ce qu’avait suggéré la Poufsouffle.

…

Elle était d’accord?

-Comment ça, j’ai raison? Hein? Raison sur quoi? bredouilla Nayla éberluée, l’air de se demander si Deryn avait bien toute sa tête là, parce qu’elle n’en avait pas l’air.

S’étant rapprochée un peu, Slughorn avait juste l’air de décider qu’elle ne réfléchissait plus et qu’elle se laisserait porter par les événements, tout simplement. Mais si Drew avait eu tout faux, en fait? Elle n’en savait rien à vrai dire! Elle écoutait juste son cœur, et ce ne serait pas la première fois, ni la dernière probablement, où il la tromperait! C’est qu’un organe destiné à pomper du sang… IL N’EST PAS FAIT POUR PRENDRE DES DÉCISIONS IMPORTANTES!!!

-Tu… oui c’est ce que j’ai dis… mais… tu?

Sauf qu’elle ne voulait pas juste que Deryn ne le lui interdise pas. Elle voulait qu’elle en ait envie elle aussi. Elle voulait que son amie l’aime de la même façon, sinon, elle-même serait malheureuse, si leur relation n’était pas partagée, fusionnelle, comme l’avait toujours été leur amitié. Sous le choc, Nayla se crispa un peu quand la Serpentard pris sa main dans la sienne, suggérant qu’elles n’avaient plus qu’à s’embrasser, sortir officiellement ensemble… et finir par le manger, ce gâteau.

Le rouge lui remontant au visage, la Poufsouffle fixa un instant son amie d’un air éberluée en se demandant si elle était en train de perdre la raison. Mais en croisant son regard, elle eut le sentiment que, pour la première fois depuis plusieurs minutes, elle savait ce qu’elle faisait. Pourtant, dans le cœur de Drew, le doute persistait. Était-ce vraiment ce que Slughorn voulait?

-Tu… tu es certaine? Je veux dire… maintenant? couina-t-elle d’une toute petite voix, alors qu’une petite partie de sa conscience réalisait pour la première fois que les elfes de maison qui s’activaient dans la cuisine semblaient tenter de faire le moins de bruit possible, pour ne pas les déranger… ou pour les espionner? Je… Je ne disais pas… pas ça vraiment pour… tout de suite… immédiatement. Je voulais juste dire que… de façon générale… Comme une éventualité, un jour, quand on sera plus... heu... Mais tu as dit toi-même tout à l’heure que tu ne voudrais jamais me forcer à faire un truc dont je n’ai pas envie, et c’est pareil pour moi Deryn! Je ne veux pas seulement que tu ne me l’interdises pas. Je veux vraiment que ce soit ce que tu souhaites aussi, s'était-elle mise à débiter rapidement sans réellement essayer d'avoir du sens dans ses propos et s'empêtrant dans ses émotions contradictoires... Mais surtout parce qu'elle avait carrément la trouille de ne "pas bien le faire".