Rencontre livresque | Hulrick (Terminé)

Elle l’aimait bien, sa vieille robe bleue aux multiples poches qu’elle avait raccommodée des dizaines de fois. Ce n’était pas une beauté, mais elle était confortable et pratique. Sauf qu’elle ne pouvait toujours bien pas la porter chaque jour, et qu’aucun vêtement, même très aimé, ne pouvait survivre éternellement. Sheireen avait soupiré de nombreuses fois en tentant de choisir quelque chose chez Gaichiffon, où les robes sorcières, beaucoup trop à la mode pour les goûts classiques de la bibliothécaire, la décourageaient. Peut-être devrait-elle transplanner à Londres pour avoir plus de choix?

Elle finit par acheter quelques robes trop distinguées pour elle, qu’elle allait modifier de quelques coups de baguettes magiques pour les rendre moins au goût du jour, et plus à son goût à elle. Lestrange fila finalement vers la librairie, sa boutique préférée entre toutes, juste à côté du Scribenpenne. Sachant qu’elle sortirait de là bien chargée, il était toujours plus sage de terminer sa tournée de Pré-au-Lard avec les livres.

Certes, elle aurait pu simplement envoyer un hibou au Libraire et commander, ou faire livrer après avoir fait sa sélection en magasin… Mais c’était nettement moins marrant. L’odeur de la boutique à livres lui plaisait trop pour s’en passer, et elle était trop impatiente pour ne pas ramener ses trésors à la bibliothèque dès maintenant. Son budget annuel maintenant dépensé et ses précieux emballés dans des boîtes solides, Sheireen fit léviter le tout d’un coup de baguette, commandant sa dizaine de carton de la suivre. Malgré tout, sa vue fut obstruée, l’espace d’un instant, par l’une des boîte… laquelle frappa un pauvre individu qui marchait simplement dans le village sans se douter qu’il risquait d’être attaqué sauvagement par une tonne de livres.

-Oh par Merlin! jura Sheireen à mi-voix. Désolée, je suis désolée, désolée, désolée… répéta-t-elle, toute bredouille, en déposant par terre son sac de robes et rangeant sa baguette, ce qui eut pour effet que toutes les boîtes se posèrent simultanément au sol, dans une pile méticuleusement ordonnée.

Dans son empressement, elle n’avait pas particulièrement fait attention à qui elle avait frappé. En se précipitant pour vérifier que sa « victime » n’avait rien, Lestrange se figea. De tous les habitants de Pré-Au-Lard… il avait fallu qu’elle heurte le mec qui enseignait l’auto-défense et qui pouvait la briser en deux comme une brindille. Chouette.

-Je suis terriblement, profondément, totalement… bredouillait-elle encore en s’empourprant violement et tendant la main pour l’aider à se relever, quoi qu’il n’en avait sûrement pas besoin, et priant Merlin pour qu’il ne lui casse pas le co C’est que le mec ne lui avait pas semblé bien sympathique la première (et unique) fois où Sheireen l’avait croisée... Sincèrement désolée.

Est-ce qu’elle pouvait juste transplaner maintenant et sauver sa peau?

Non…

Non elle n’aurait jamais la couardise de laisser ses bouquins derrière.

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Mais… mais?... mais!... Ce n’était pas le même homme? Est-ce qu’elle avait la berlue? La dernière fois que Sheireen avait croisé le mec du dojo, il lui avait paru grognon et… un peu grossier aussi. Pas très sympathique en tout cas. Pas qu’elle ne pouvait le lui reprocher, elle n’était pas, à proprement dit, quelqu’un de très sympathique elle non plus, quoi qu’asociale la qualifiait mieux. Sauf que là, alors qu’elle s’était attendu à ce qu’il l’invective pour sa maladresse, l’injure et lui lance au moins des regards mauvais, l’expert en défense lui sourit plutôt.

C’est qu’elle ne s’était pas attendu à un sourire. Du coup… ben… elle s’était mise à rougir comme une gamine surprise en train d’épier dans les vestiaires des garçons. Elle ne trouva même plus les moyens de parler (même si ce n’était pas nouveau pour elle, ça restait embarrassant) du coup trouver quelque chose d’intelligent à répondre était un défi insurmontable. Elle était convaincue d’être responsable de l’incident, même s’il prétendait ne pas avoir regardé où il allait, c’était elle qui « conduisait » alors les boîtes volantes, armes redoutables une fois remplies de bouquins bien lourds…

-Ah… fut le seul son qui sorti pourtant de sa bouche, plutôt qu’une protestation.

Ses mains s’étaient mises à trembler un peu, elle se sentait terriblement coupable en voyant le sang qui coulait des cheveux de l’homme jusqu’à son visage et sur ses vêtements. Et puis elle n’était pas trop à l’aise avec le sang… Même si elle n’était pas très douée en magie de guérison, elle était quand même capable d’effectuer les petits sortilèges de base, pour blessures légères, mais cela suffirait-il?

Tremblante, elle fouilla dans ses innombrables poches et trouva heureusement un mouchoir en tissu, d’un blanc banal mais propre. Elle épongea elle-même d’une main tremblotante le sang, voulant vérifier la gravité de la plaie, priant mentalement Merlin qu’elle ne tombe pas dans les pommes. Sauf que finalement, ce n’était rien du tout, qu’une éraflure à la base de son cuire chevelu. La quantité de sang n’était dû qu’au fait que la circulation est forte au niveau de la tête, mais il n’aurait pas besoin de voir une infirmière ou médicomage.

-Ep… Epiksey… marmonna-t-elle finalement, un peu soulagée, en tenant sa baguette de sa main libre pointée vers la tête du professeur de défense. C’est… c’est pas du grand art mais… heu ça ira je crois… Désolée… bredouilla-t-elle encore pour au moins la centième fois, bien qu’il lui eut dit que ça allait. Le… Ne… Ne vous levez-pas trop vite, marmonna-t-elle encore bien que ne lui offrant pas son bras comme soutient parce que… ben… non. Et vous êtes plein de s… oh je suis désolée… zut… Récurvite.

Celui-là, elle le maîtrisait encore mieux. La bibliothèque était toujours pleine de poussière, et même si elle trouvait que le bon vieux plumeau façon moldue faisait un travail plus impeccable, elle n’avait pas toujours le temps ni le luxe de tout nettoyer. Du coup, toutes les taches de sang sur les vêtements de sa victime disparurent, et même son mouchoir redevint parfaitement propre.

-La prochaine fois, je vais prendre l’option de livraison… marmonne-t-elle un peu pour elle-même, sans réellement avoir l’intention de faire de l’humour, en désignant ses boîtes empilées sur le bord du trottoir.

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La petite tentative d’humour de l’homme n’eut assurément pas l’effet escompté sur Sheireen, qui, au contraire, sembla davantage troublée par son comportement qu’elle ne reconnaissait pas. Mais en fait, que connaissait-elle vraiment de lui? Elle ne l’avait rencontré qu’une seule fois, pendant quelques secondes, du coup, son opinion était clairement biaisée par cette unique et fugace rencontre.

Se rendant clairement compte qu’il la rendait inconfortable et qu’elle se sentait comme une merde, le professeur de défense tenta de la rassurer en lui disant qu’il n’allait pas la bouffer… Non, mais il pouvait lui ficher son point sur la gueule, si? Lestrange haussa des épaules lorsqu’il la remercia de l’avoir soigné, ce à quoi elle trouva enfin à répondre.

-Bien sûr… que je devais le faire.

Après tout, elle se sentait responsable de son attaque sournoise à coups de boîtes de livres, il lui fallait réparer ses dégâts, c’était la moindre des choses. Sauf que lui demander d’arrêter de s’excuser, dans les circonstances, c’était bien mal la connaître… Car c’était probablement la seule chose qu’elle était encore capable de faire, tant elle était dérangée par l’accident. Oui, elle était mal de la situation… et c’était exactement pour cette raison qu’elle n’avait pas encore fini d’être désolée. D’ailleurs, elle fut tentée de s’excuser de s’être trop excusée, mais n’en eut pas le temps. Sa curiosité avait été piquée, malgré elle, par son commentaire sur le fait qu’il n’utilisait presque pas la magie. Bien qu’elle avait su résister à poser des questions, elle avait eu l’air intriguée pendant quelques secondes, sourcils froncés, tête un peu penchée sur le côté. Mais elle s’était ressaisi. Il préférait vraisemblablement ses poings à sa baguette… Et même si c’était plutôt rare pour un sorcier, ça n’avait rien d’impossible.

L’homme se mit à rire en la traitant de danger ambulant, ce qui la fit s’empourprer davantage et baisser la tête. Elle savait qu’elle aurait dû le prendre avec humour, mais elle se sentait encore trop coupable pour ça.

-Mmm… non… répondit-elle en marmonnant, s’efforçant de préciser sa réponse pour ne pas avoir l’air de l’ermite asociale… qu’elle était en réalité. Je… j’évite les bains de foule le plus possible. Mais je voulais… je pensais être capable de me charger moi-même de tous ces livres. Je me suis surestimée, visiblement, marmonna-t-elle encore, un peu pour elle-même, de façon presque inaudible.

Mal assurée, elle ressorti sa baguette et la pointa vers ses boîtes. Celles-ci étant désormais sagement empilées, elle se mirent à flotter ensemble, de façon ordonnée, ce qui allait faciliter leur transport. Au fond, elle savait bien qu’elle pouvait gérer… tant qu’elle n’avait pas la tête dans les nuages.

-Encore dé… Hum… Je vais essayer de ne pas frapper quelqu’un d’autre sur le chemin du château… Déso… heu… Y a-t-il rien que je puisse faire pour être pardonnée? bredouilla-t-elle, visiblement toujours confuse.

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Techniquement, l’homme n’aurait pas eu besoin de préciser qu’il avait fait de l’humour, Sheireen l’avait très bien compris… elle avait juste perdu sa capacité de rire, enterrée sous toute sa culpabilité. Il ajouta également que lui non plus, il n’aimait pas trop quand il y avait foule, mais qu’il ne pensait pas qu’elle était réellement aussi incapable qu’elle le prétendait, assurant que ça arrivait à tout le monde de faire des petites bourdes. Comme il souriait encore, Lestrange se contenta d’hausser les épaules à sa remarque. Elle était effectivement une excellente sorcière, ça elle le savait, elle était très « capable » d’accomplir des sortilèges compliqués… C’était dans ses relations humaines qu’elle ne valait pas grands choses.

Une fois de plus, il lui demanda de cesser de s’excuser, puisque en l’ayant guéri et nettoyé, c’était comme s’il ne s’était rien passé. La bibliothécaire savait bien que réparer un pot cassé de signifiait pas vraiment changer le fait qu’il l’avait été à la base, et même si elle voyait où il voulait en venir, elle continuait de ne pas se sentir bien de l’avoir frappé. Sa fichu tête en l’air qui lui causait des problèmes…

Sauf que pour se faire pardonner, il fallait qu’elle arrête de s’excuser… Ce qui était, avouons-le, plutôt contradictoire. Mais le professeur de défense vint plutôt ajouter, en s’approchant, qu’elle pouvait aussi satisfaire sa curiosité en lui disant ce qu’elle pouvait bien trimbaler d’aussi lourd. Pendant deux secondes, elle s’étonna qu’il ne savait pas qu’elle était la bibliothécaire de Poudlard… puis, se rappela que, ne sortant jamais, sa tête devait faire office d’un des plus grands mystères de Pré-au-Lard. Elle avait sûrement un surnom ridicule au sein de la population du village, genre « La mystérieuse gardienne des livres », un truc à la con du genre.

-Vous m’avez démasquée, feignit-elle d’avouer, mains en l’air comme une criminelle, sans parvenir du tout à y mettre le talent théâtrale et l’humour qu’il aurait fallu dans la situation. J’ai braqué Gringotts et le libraire est mon complice, continua-t-elle en pointant la boutique d’où elle sortait, juste derrière elle. On s’est séparés le magot cinquante-cinquante pour m’avoir prêté sa cheminée, afin de tout ramener. Et parce que je suis une vraie génie du crime, j'ai choisis de faire traverser tout Pré-au-Lard à mon or, parce que c'est extrêmement subtile. Vous m’en demandez combien pour garder le silence?

Décidément, elle n’avait pas le moindre talent d’actrice. Là où elle aurait dû sourire avec complicité pour témoigner de son humour, elle avait l’air las et déprimant de celle qui aurait préféré être ailleurs. Quoi que, d’un certain point de vue… ça rendait même son jeu de voleuse plus crédible, non?

-C’est la nouvelle collection de livres pour la Bibliothèque de Poudlard, finit-elle par répondre dans un haussement d’épaules. Beaucoup de manuels pour les cours, rien de bien palpitant, sauf si vous vous appelez Sheireen Lestrange, ce dont je doute… heu… parce que c’est moi. J’avais trop envie de les avoir tout de suite pour être capable d’attendre une livraison. Mon addiction au boulot a vous aura coûté un sacré coup…

De peine et de misère, elle parvint enfin à ne pas s’excuser, un véritable exploit, ramassant plutôt d’une main le sac de vêtements qu’elle avait laissé tomber, et qu’elle posa sur une des boîtes volantes, ne tenant désormais plus que sa baguette.

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Ouf, elle ne savait pas trop d’où lui venait toute cette soudaine assurance qui ne lui ressemblait visiblement pas? Le professeur de défense avait-il réussi à lui faire du charme, ou n’était-ce qu’une bonne journée pour la bibliothécaire? Personne ne le saurait jamais. Ce qui comptait, c’était que le mec, il semblait avoir apprécié l’humour de Lestrange. Peut-être trop, au point d’en devenir confortable et de lui lancer une pique de son cru qui la fit s’embarrasser encore davantage, et se rapetisser un peu sur place, comme si elle avait voulu disparaître dans le sol. Un balai… dans le derrière? Bon, Sheireen était consciente qu’elle avait l’air coincée, mais à ce point? Cette terrible familiarité n’avait rien pour la rendre confortable… pire encore que si elle avait véritablement eu ledit objet enfoncé dans les entrailles!

Incapable de répliquer quoi que ce soit, elle eut l’air d’un poisson hors de l’eau quelques secondes, la bouche qui s’ouvrait légèrement et se refermait aussitôt, comme tentée de dire quelque chose, mais ne trouvant rien d’intelligent à évoquer, tout son esprit centré sur l’hypothétique manche qu’elle avait profond dans le cul. Autre fait qui l’embêta profondément (autant que le balai!) c’était que, bien qu’elle lui eut dit son propre nom et qu’il avait déclaré être enchanté, il ne lui avait pas offert le sien, s’obligeant toujours à l’appeler mentalement « l’homme », faute de mieux. Tant pis pour l’idée qu’il la draguait, elle se plantait royalement à ce sujet, il n’aurait pas manqué de lui dire son nom, le cas échéant.

Sa seconde surprise fut que l’homme au balais… heu l’homme aux farces douteuses aimait lire. Bon, allez, ça fait très jugement grossier, mais à voir sa tête, Sheireen n’aurait jamais parié. Il n’avait pas une gueule d’intello. Plutôt celle d’un mec qui règle tout avec ses points plutôt que par l’esprit. Pas vraiment le genre d’individus que Lestrange aspire fréquenter, à court ou à moyen terme. L’air taquin, le surprenant personnage lui proposa alors un moyen de se faire pardonner, finalement, c’est-à-dire venir lui faire la causette pour lui partager le fruit de ses propres lectures, lui-même n’ayant vraisemblablement pas le temps de s’adonner à ce loisir de patience.

-Heu… trouva-t-elle bêtement à répondre alors qu’elle retrouvait à peine l’usage de la parole. Je… ne sais pas… bredouillait-elle toujours un peu stupidement. C’est que…

C’est que ça sonnait drôlement comme des rendez-vous, ça ne lui plaisait pas tellement. Et puis, ne la trouvait-elle pas trop coincée, avec son balai dans le derrière, pour supporter sa compagnie ennuyante?

-Je… Peux peut-être… heu… vous en faire parvenir? Par hibou… Des livres, je veux dire, marmonne-t-elle de façon plus ou moins intelligibles. J’ai… heu… techniquement, je devrais seulement prêter au personnel et aux élèves mais… C’est moi qui gère, alors je peux bien… hum… créer un dossier fictif pour vous et vous en prêter. Ça… vous plaira sûrement davantage de… de lire le vrai bouquin plutôt…

Plutôt que de vous l’entendre bégayer par une ermite avec un bâton dans le cul? Quelque chose comme ça.

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Au final, il avait fini par réalisé qu’il avait oublié de lui donner son nom, ce dont Sheireen allait finir, un jour ou l’autre, par lui être reconnaissante… Lorsqu’elle aurait le courage de rouvrir la bouche pour l’utiliser. Peut-être dans une autre vie? Ah non, c’est con, il aura changé de nom à ce moment, zut!

En tous les cas, pour l’instant, Lestrange préférait garder ses pensées et ses propos pour elle-même, parce qu’il semblait que dès qu’elle l’ouvrait, elle s’emmêlait davantage. Là où elle avait seulement été surprise de la demande d’Hulrick et n’avait pas trop su comment réagir, celui-ci avait interprété son embarras de la mauvaise manière. Finalement, même quand elle ne disait rien, son non verbal gâchait tout. Elle ne le jugeait pas du tout pour son apparence, juste… plutôt pour son métier et sa mauvaise attitude de leur rencontre précédente. Sauf qu’elle ne s’était certainement pas attendu à ce qu’il pense qu’elle était réticente parce qu’elle craignait « qu’il la touche ». La pensée ne lui avait même pas effleuré l’esprit! Enfin, peut-être que ça aussi, elle ferait mieux de le garder pour elle, car en un sens, ça pouvait aussi être cruel à dire.

-C’est.. ne… Je… bredouillait-elle avec sa confusion habituelle, étant passée de rouge embarras à blanche livide. Pas ce que je voulais dire… finit-elle par articuler, bien qu’il n’est pas tellement clair, à ce moment, auquel de ses propos précédents elle fait allusion.

Oui, elle était un rat de bibliothèque, ça c’était un fait, et non un préjugé. Sinon elle ne serait pas devenue bibliothécaire. Quoi que, désormais, elle préférait se voir comme un dragon de bibliothèque qu’un rat, puisqu’elle était comme la « gardienne du trésor » de ce Temple du Savoir… Mais enfin, ce n’était pas le moment d’entrer dans les détails. Quand Schwartz se met à parler de fraude, Lestrange fronce un peu les sourcils, songeant qu’il y allait un peu fort. Ce n’était, au final, pas vraiment un crime, et puis théoriquement, c’était un peu la bibliothécaire qui faisait les règles en ce qui concernait son domaine, donc si elle décidait de les changer, ça la regardait, tant qu’elle gérait le tout pour qu’il n’y ait ni retards ni pertes… Au final, ça lui aurait simplement ajouté du boulot, ce dont elle n’allait certainement pas se plaindre.

Mais il se m’éprenait sur les raisons de son offre. Elle ne voulait pas se débarrasser de la tâche de lui tenir compagnie… Enfin, si, un peu, mais pas parce qu’il l’effrayait, seulement parce qu’elle n’avait pas de très grandes compétences sociales et songeait qu’elle l’ennuierait de toute façon, qu’il serait donc mieux servi directement par le livre. Seulement, visiblement, ça l’avait froissé, et Hulrick tournait maintenant les talons.

-Je suis désolée… couina-t-elle malgré elle en se tenant le visage de sa main libre, se maudissant d’avoir encore à s’excuser. Je ne voulais pas vous… je ne disais pas ça à cause de… je…

« …suis incapable d’articuler une phrase cohérente lorsque je suis sous l’effet du stress »? Quelque chose comme ça, ouais. Lestrange soupira en marmonnant la formule magique qui firent s’animer les boîtes de livres en direction du château.

-Libritotum locomotor… Ma compagnie vous aurait ennuyée, de toute façon, marmonnait-elle toujours en regardant dans la direction opposée, incertaine s’il pouvait l’entendre ou non, ce qui lui donnait, ironiquement, la capacité de parler. Je pensais vous faire une faveur en vous offrant mieux qu’une asociale fini pour vous raconter des histoires décousues de façon maladroite. Les livres savent définitivement mieux que moi comment véhiculer correctement un message.

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Tout cela était un peu compliqué à gérer pour le pauvre cerveau terriblement anxieux de Sheireen. Ça valait la peine de pratiquement frôler le génie en termes de connaissances diverses et variées, mais être incapable de s’en servir faute d’avoir des capacités sociales plus développées qu’une larve. Une larve morte. Écrasée. Capoute.

Pourtant, alors qu’elle était persuadée d’avoir encore fait foiré toutes ses chances d’avoir la moindre relation amicale avec un inconnu et qu’elle se résignait à rentrer au château avec ses boîtes comme seule compagnie, Hulrick la surpris à nouveau en retrouvant un peu un ton jovial. Finalement, il devait avoir bien entendu les propos qu’elle avait marmonné en lui tournant le dos. Bien qu’elle n’avait pas la moindre idée qui pouvait bien être « Cal », Sheireen se sentit légèrement rassurée par la dernière réplique du maître du dojo. Pas qu’elle s’était vraiment inquiétée qu’il essaie de la tripoter (comme il avait osé s’imaginer un peu plus tôt), l’idée ne lui avait pas même effleuré l’esprit. Seulement, elle savait très bien, au fond d’elle-même, qu’elle était encore loin d’être prête à refaire confiance à un homme en amours. Henry l’avait découvert à ses dépens plusieurs années au paravent… Mais de l’amitié… ça elle pouvait essayer.

-Je viendrai alors, promit-elle avec l’ombre d’un sourire, pas le moindre du monde offusquée qu’il l’ait traité « d’asocial », puisque c’était vrai… Vous n’êtes pas asocial. Si ça avait été le cas, vous ne m’auriez pas empêché de partir… marmonna-t-elle en conservant les boîtes en l’air malgré tout, se demandant si ce n’était pas plutôt elle, en vrai, qui l’avait empêché de partir? Ça ne me mettra pas en situation indélicate, c’est moi qui fait les règles à la bibliothèque, finit-elle par ajouter en haussant simplement les épaules. Si je décide que les habitants de Pré-au-Lard y ont désormais accès par livraison, et que je le gère sans pertes, ça me regarde.

Son ton était définitivement plus assuré, comme chaque fois qu’elle parlait de son travail, parce que c’était la seule sphère de son existence qu’elle maîtrisait à la perfection… Pointant l’école du menton, elle désigna, presque désolée, qu’elle devait partir.

-J’ai du travail qui m’attends, mais j’accepte l’invitation. J’ai déjà quelques titres en tête, en fait, que je crois que vous aimerez. Si vous n’avez rien de mieux à faire ce soir, on pourrait … heu, ou n’importe quand, en fait, il n’y a pas urgence… finit-elle par préciser, un peu embarrassée, ne voulant pas avoir l’air trop plein d’espoir de se faire un ami comme si elle avait encore douze ans.

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Ouf, c’était terriblement embarrassant, Sheireen avait beaucoup trop parlé, se donnant des airs de désespérée, et maintenant, il devait croire qu’elle n’avait aucune vie. C’était la vérité, bien sûr, mais disons qu’elle aurait préféré que ce soit moins évident. Bref.

« Il faut que j’apprennes à vivre à présent. » Tiens… ça ressemblait à la devise par lequel Lestrange avait commencé l’année scolaire… sans réellement y parvenir, on va se le dire! Elle aurait certainement pu essayer plus fort, même. Si ça n’avait pas été de Lizbeth, elle n’aurait probablement même pas fait le moindre geste en ce sens, maintenant qu’elle y pensait. Si celle-ci la voyait, là, maintenant, avec Hulrick, elle n’en croirait probablement pas ses yeux et ses oreilles. Esquissant un sourire timide, celui-ci s’estompa rapidement pour un air ahuri lorsqu’il fut question d’argent.

-Quoi? N… nenon! NON! Le concept de bibliothèque, c’est justement la gratuité. NON! Je refuse. Je… je pensais déjà élargir ce service à Pré-au-Lard de toute façon.

C’était faux, bien sûr, elle n’y avait jamais pensé, mais maintenant, l’idée lui plaisait, et elle allait probablement le faire, mettre quelques petites annonces pour informer qu’il suffisait de lui envoyer un hibou pour la livraison, en commençant par un seul bouquin à la fois probablement… Enfin, elle évaluerait ça plus tard. Enfin, elle haussa les épaules.

-C’est financé par le Ministère de toute façon, comme toutes les dépenses reliées à l’école. C’est l’argent de vos taxes. (Non, ne me dis pas que les Sorciers ne paient pas de taxes, je déclare que c’est le cas mdr) C’est juste bête que ce n’était pas déjà disponible pour tout le village de toute façon.

Et pour ajouter à son embarras violent à l’idée d’être payée pour mettre quelques livres dans une enveloppe et confier celle-ci à un hibou, alors que ce n’était rien du tout, Hulrick proposa de lui faire le repas, puisqu’ils se rencontreraient en soirée, visiblement. Encore une fois, elle leva les mains en l’air pour les secouer en rejetant son offre un peu trop prestement.

-J’aurai mangé, je ne pourrai pas quitter la bibliothèque aussi tôt que ça, de toute façon, et je ne voudrais surtout pas vous incommoder de la sorte. En fait… je serais plus partante pour un thé. Oui, un thé, ça suffira bien. D'ailleurs, plutôt que de troubler l'ambiance de votre dojo, ça serait bien le Salon de… heu, ou les Trois Balais, si le thé ne vous dit pas?

C’est juste qu’elle venait de se souvenir que le Salon de Thé de Madame Pieddodu était l’endroit de prédilection des amoureux, et l’idée d’avoir une ambiance de rendez-vous galant, alors qu’il avait clairement été établis que ce n’était pas le cas, rendrait le tout beaucoup trop confus. Tout comme accepter se faire offrir le repas chez lui, d'ailleurs...

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-Je… je ne voulais pas vous vexer, j’ai juste vraiment beaucoup de travail… marmonna-t-elle visiblement mal à l’aise bien qu’il lui eut fait la remarque en rigolant. Il ne semblait pas vraiment voir en quoi préparer le repas pour une parfaite étrangère ressemblait beaucoup à un rencart…

Bon, il semblait bien que Hulrick avait fini par décider pour eux, puisque Sheireen ne faisait que changer d’idée toutes les dix secondes et se contredire elle-même. Ne voyant pas comment elle pouvait éviter d’être vue au salon de thé avec lui maintenant, ne pouvant pas vraiment argumenter contre sa propre proposition, la bibliothécaire se tu simplement. Ils se retrouveraient plus tard, visiblement, dans cet endroit un peu trop coquet pour simplement discuter littérature, sans la moindre arrière-pensée, il allait falloir qu’elle se fasse une tête sur ça! Heureusement, elle avait encore quelques heures pour se préparer mentalement… quoi que, dans son cas, l’anxiété risquait de se faire plus prenante à mesure que le temps passerait.

Lestrange avait aussi remarqué qu’il était passé au tutoiement, de façon si naturelle qu’il lui avait fallu l’entendre plusieurs fois avant de pleinement le réaliser, si bien qu’elle lui avait répondu de la façon plus formelle à quelques reprises avant de pleinement en prendre conscience.

-P… Bon… Oui tout à fait. À tout à l’heure alors, trouva-t-elle simplement à répondre, incapable de le contredire, et trouvant parfaitement le moyen de ne pas jongler entre tutoiement ou vouvoiement et se confondre entre l’amitié et la formalité, n’étant plus certaine où elle était supposée se trouver.

Sur ce, ils avaient fini par se séparer, chacun ayant visiblement à faire, et Sheireen était retourné au château chargée de son imposante commande volante, laquelle ne causa plus d’accidents. Elle passa le reste de la journée à se jeter corps et âme dans un travail acharné, heureusement elle en avait pas mal à faire alors ce ne fut pas difficile, dans le seul but de ne pas avoir à penser à Hulrick et leur rencontre future. Parce que ça la rendait nerveuse au possible.

Il y avait quand même, malgré l’ouvrage à accomplir, une tonne de petites pensées anxiogènes qui venaient s’immiscer dans sa tête et la déconcentrer. Est-ce qu’il fallait qu’elle change de robe? La bibliothécaire n’avait aucune envie que Schwartz pense qu’elle s’était faite une beauté pour lui, mais sa vieille robe rapiécée de tous les jours n’allait définitivement pas avec le décorum standard de Madame Pieddodu. Faudrait-il qu’elle le tutoie maintenant? Elle allait sans doute y penser une fois là-bas, selon son comportement à lui. Qu’est-ce que les gens allaient penser en les voyant?

Voilà la pensée anxiogène qui l’habitait encore alors qu’elle troquait sa vieille tenue bleue pour une de ses nouvelles robes. Noire classique, Sheireen retira de quelques coups de baguette les détails et suppléments qui la rendait trop chic et tape-à-l’œil à son goût, se retrouvant avec un vêtement terriblement banal, mais au moins plus propre. Soulagée de ne pas avoir l’air d’en « faire trop », elle défit tout de même son chignon à moitié affaissé par une journée de dure labeur, et tressa sa longue chevelure chocolat sur son épaule. Refusant de se regarder plus longtemps dans le miroir et risquer de changer d’idée, la bibliothécaire quitta le temple du savoir, les bras chargés de beaucoup trop de choix littéraires pour un seul individu, avant de reprendre la route de Pré-Au-Lard, pour une deuxième fois dans la même journée. Un exploit, faut-il préciser.

Étant arrivée un peu trop en avance, la pauvre Lestrange resta quelques minutes plantée devant le Salon de Thé, les bras plein. Elle n’osait pas entrer seule, ça aurait l’air ridicule, et ne voyait pas tellement quoi faire de mieux que faire le pied de grue devant l’édifice… ce qui la rendait encore davantage ridicule…

Et soudain... une autre petite pensée terriblement anxiogène s'immisça dans sa pauvre petite tête... Elle avait oublié de manger, avec toute cette histoire!

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-Oh!

Le petit son, surpris, lui échappe lorsque des livres disparaissent de ses bras, récupéré par le professeur de combat pour la délester un peu de leur poids, alors qu’il la taquinait de ne pas être rentrée en l’attendant. D’ailleurs, il était étonné par la quantité de bouquins qu’elle avait apportée, ce à quoi Sheireen hocha nonchalamment des épaules, comme si ce n’était rien. Sauf qu’elle ne put s’empêcher de lui répondre par le vouvoiement, par une habitude trop ancrée en elle pour disparaître aussi rapidement, même quand son vis-à-vis avait pris la liberté de la tutoyée… C’était comme si elle avait besoin d’entendre de vive voix qu’elle avait la permission!

-Je voulais juste être certaine de trouver quelque chose qui vous plairait, apporter du choix… Et heu… je n’ai pas attendu longtemps, ça faisait à peine quelques secondes que j’étais arrivée… mentit-elle de façon plus ou moins consciente, puisque ça faisait bien quelques minutes qu’elle était là à poireauter comme une idiote, mais l’anxiété ne lui avait pas permis de voir le temps passer, du coup elle n’en avait pas vraiment eut conscience…

Un peu de façon automatique, Sheireen suivit Hulrick à l’intérieur, lequel se chargea de demander la table pour eux deux. L’ambiance terriblement romanesque de l’endroit la dérangeait fortement. Elle déglutit difficilement en évitant de regarder trop autour d’elle pour enregistrer le moins possible dans son cerveau de ce décor très fleur bleue, mais aussi pour éviter les coups d’oeil curieux. Elle vivait avec cet espoir futile que si elle ne posait pas les yeux sur les gens, alors ils ne la remarqueraient pas, comme les enfants quand ils se pensent bien cachés à l’abris des regards mais que tout leur corps dépasse.

Déposant les livres qui lui restaient sur la table, Lestrange pris place ensuite, et constata que la serveuse leur avait attribué une table pour quatre… C’est qu’avec la quantité de bouquins qu’ils… enfin qu’elle avait apportée, ils utilisaient déjà la moitié de l’espace, ce qui nécessitait une plus grande table, nécessairement. Le ridicule de la situation lui tira un sourire, qui se transforma vite en rire franc lorsque Schwartz lui avoua avoir oublié de mangé lui aussi.

-Volontiers, je suis affamée, je plaide aussi coupable d’avoir sauté le repas, j’avais… beaucoup de choses en tête, répondit-elle vaguement, espérant qu’il assumerait qu’elle ne se référait qu’à son travail et non à leur « rencard » qui n’en était pas vraiment un. Au moins, je me sens moins mal de ne pas être la seule tête en l’air, mais je jure que ce n’était pas pour éviter votre… ta nourriture, se reprend-elle aussitôt, maladroite.

C'est ce moment que la serveuse choisis pour poser une théière et deux tasses entre eux, en leur demandant ce qu'ils désiraient, ce à quoi chacun d'entre eux sélectionna un gâteau au menu, Sheireen étant drôlement attirée par un mélange de chocolat blanc et framboises qui s'annonçait appétissant à souhaits.

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« Plaider coupable » n’avait réellement été qu’une expression visant à reconnaître sa faute, pas une tentative de s’excuser comme semblait l’avoir entendu Hulrick. Mais Sheireen ne releva pas, souriant plutôt à sa remarque qu’ils se rattraperaient avec les gâteaux.

-Oui, un repas parfaitement équilibré quoi, exactement ce qu’il nous faut! commente-t-elle sur le même ton, se permettant même de rire un peu.

Oui, il était taquin, ça elle commençait à s’en rendre compte, elle allait bien finir par s’y faire et cesser de tout prendre ce qu’il disait au pied de la lettre… éventuellement. Peut-être. C’était plutôt elle qui manquait de sens de l’humour, mais ça aussi ça pouvait changer. Avec beaucoup… beaucoup de temps.

Une fois leur commande passée, Schwartz s’enquit des bouquins qu’elle a apporté, et en jetant un œil à sa pile, Lestrange doit reconnaître qu’elle ne sait pas exactement par où commencer. À vrai dire, il avait eu raison plus tôt en lui disant qu’elle aurait pu s’abstenir de lui en apporter immédiatement puisqu’elle ne connaissait pas vraiment ses goûts, mais elle n’avait pas pu s’empêcher de récolter quelques-uns de ses coups de cœur dans des genres variés, et… Comme elle aimait toutes sortes de choses… eh bien… Ça avait vite dégénéré. La curiosité d’Hulrick était vraiment plaisante à voir tout de même. Disons qu’il n’avait pas la gueule d’un lecteur chevronné, bien que Sheireen s’en voulait à cette pensée au jugement sévère, mais c’était vrai. Le voir comme un « nerd » était tout un clash par rapport à son look global et son métier, mais la littérature était un cadeau de l’univers qu’elle ne s’empêcherait jamais de partager avec tout le monde.

-Heu j’ai… apporté un peu de tout oui… Ce sont tous des bouquins que j’ai lu et qui m’ont plu, mais comme je ne savais pas ce que tu aimais… Ouais, vous av… tu as raison, j’aurais juste dû te demander avant d’emporter tout ça. Bref il y a de tous les genres, puisque je lis justement de tout, ou presque, je ne suis pas tant versée dans les récits de type horreur ou sportif, même si je jette un œil quand même parfois… Tien j’en ai apporté justement! s’exclame-t-elle soudainement en tirant deux des livres de la pile, l’un à la couverture très sombre et légèrement gore, l’autre à l’allure colorée et éclatée. Je ne les ai pas personnellement lu, mais j’ai entendu des bons commentaires à leur sujet et… Il y a quelques genres « Enquêtes » ou « Aventures » aussi, ce sont mes préférés, ainsi que des romans Historiques, mais je n’ai rien apporté de… heu…

Soudain, elle fut dérangée dans son éternel monologue par la serveuse qu’il leur rapportait leurs gâteau avec un sourire mielleux en leur souhaitant un bon appétit. Le petit gâteau de Sheireen avait la forme ridicule d’un cœur, et les petites framboises qui le décoraient accentuaient son apparence romantique cliché. Elle espérait que ce serait bon, au moins…

-Romantique… Je n’ai pas apporté de bouquins romantiques, je veux dire. Heu… pas que je ne les aime pas, rougit-elle en pensant à sa passion dévorante pour la série Aube, qu’elle partageait avec son Club de Lecture. Mais seulement… j’ai cru que vous n’aimeriez… que ça ne serait pas ton genre. J’aurais dû? Je me laisse encore influencer par une fausse impression, pas vrai?

Après tout, il semblait terriblement à l’aise dans ce salon de thé typiquement romantique. Contrairement à elle.

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-Oh, mais, mais… bredouilla-t-elle à nouveau, gênée d’avoir encore parlé de travers, même s’il semblait bien rigoler de la situation malgré tout. Ce n’était pas une question de look, précise-t-elle en voulant corriger son propos quand même. C’est plutôt que… les hommes sont souvent attirés par ces genres, c’est tout ce que je voulais dire, vraiment, et que l’horreur n’est pas vraiment ma tasse de thé, argumente-t-elle avec un jeu de mot complètement accidentel. Vot… Ton look n’est pas un problème du tout, je vo… t’assures.

Les mains en l’air comme pour atténuer son propos, elle se rend bien compte qu’il le prend à la légère, mais elle ne voulait pas non plus qu’il croit réellement qu’elle le trouvait effrayant, d’où sa mention du genre horreur. Tout ce qu’elle avait voulu dire, en réalité, c’était qu’elle tenait à apporter des bouquins de tous les styles, même ceux qu’elle-même ne lisait pas trop. Voir pas du tout. Facilement impressionnable, les trucs d’épouvantes ne l’attiraient pas… D’ailleurs, elle avait brillé par son absence au bal d’Halloween, et ce n’était pas pour rien.

Vendre un livre? Bien qu’il le disait assurément au sens figuré, Sheireen n’avait pas particulièrement de talent pour « vendre » quoi que ce soit. Ce qui était plutôt ironique puisque la référence était bien son boulot, sauf que normalement les élèves qui se cherchaient de la littérature lui disaient plus précisément ce qu’ils cherchaient, et elle n’avait alors qu’à leur offrir un éventail de choix, dont ils pouvaient lire la quatrième de couverture pour se décider. Même ses livres préférés, elle n’aurait pas vraiment su comment en chanter les louanges, sans que ça sonne complètement faux. Comme leurs gâteaux étaient arrivés entre temps, cela lui offrit heureusement l’option de passer plus de temps à réfléchir.

Même si elle était persuadée que son choix de gâteau avait probablement toujours la forme d’un cœur et que ce n’était pas une attention dédiée simplement pour elle, la bibliothécaire sourit poliment à la remarque d’Hulrick, peinant quand même à ne pas rougir par-dessus le marché. Comme si elle n’avait pas déjà assez rougi aujourd’hui. Ayant un peu peur d’être prise la bouche pleine et d’avoir besoin de parler, Sheireen picorait simplement les framboises sur son gâteau du bout de sa fourchette en l’écoutant parler… et lui assurer qu’elle se faisait encore de fausses impressions par rapport à sa tête. Décidée à ne pas se laisser démonter, Lestrange s’éclaircit la gorge en se promettant de ne plus refaire la même erreur.

-Dans ce cas, la prochaine fois, j’apporterai mes préférés pour me faire pardonner. Mais si je savais un peu plus ce qui vous… te plait, je ne me sentirais pas obligée d’apporter tout un attirail à chaque fois, alors avant que je commence à te… heu… « vendre » quoi que ce soit, commençons donc par la première question que j’aurais dû te poser cet avant-midi : Qu’est-ce que tu aimes lire au juste? Tu disais que tu n’avais pas lu depuis longtemps, lorsqu’on s’est parlés tout à l’heure, alors à l’époque, ton genre préféré, c’était quoi?

Décidément, il prenait toujours ses propos de travers… ou alors c’était elle qui s’exprimait trop mal, ce qui était plus plausible. Posant sa fourchette alors qu’elle n’avait toujours pas touché à son gâteau, Sheireen leva à nouveau les mains devant elle, comme en geste de défense.

-Non! s’exclame-t-elle un peu trop fort, ce qui fait en sorte de tourner l’attention de tous sur eux. Je n’ai jamais insinué… ou en tout cas ce n’était pas mon intention. Ce sont mes propres préjugés sur les hommes, je présume. Je me ferai un point d’honneur à ne plus les écouter à l’avenir avec toi. Non, avec tout le monde.

Peut-être devrait-elle se la fermer maintenant? Enfournant enfin une bouchée du gâteau avec lequel elle jouait depuis plusieurs minutes sans réellement y goûter, les yeux de la bibliothécaire s'agrandirent autant que la soucoupe de sa tasse de thé.

-Mmm... c'bon... marmonne-t-elle sans vraiment s'en rendre compte, la bouche un peu pleine.

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Il allait vraiment falloir qu’elle s’habitude à l’humour de ce mec et cesse de tout prendre au mot. La pauvre, elle passait son temps à se déverser en excuses sincères en croyant avoir offusqué Hulrick alors qu’il ne faisait que la taquiner. Mais on ne changeait pas une Sheireen un peu cassée du jour au lendemain, les relations sociales n’avaient jamais été son fort, elle avait encore tant à apprendre. Le deuxième degré était clairement un univers plein de mystères auquel elle n’avait jamais accédé auparavant.

Du coup, ils semblaient avoir en la matière plus ou moins les mêmes goûts, il avait d’ailleurs mentionné un auteur moldu, ce qui avait grandement surpris Sheireen, mais de la bonne façon. Elle-même en avait dans sa collection et les avait présentés aux élèves du Club de Lecture en début d’année. Les voyages, aventures, mystères, voilà ce qui la branchait le plus, elle ne devrait pas conséquent pas avoir trop de mal à trouver chaussure à son pied.

Une fois de plus, elle avait mal interprété ses propos, définitivement, Lestrange devrait faire attention à moins parler pour ne plus se mettre les pieds dans le plat, et plutôt manger son gâteau, ce qu’elle fit pour masquer son malaise et se réduire au silence. Ce qui l’empêcha de s’exclamer de surprise lorsqu’il mentionna le mot « amitié ». Par contre, elle failli aussi s’étouffer lorsqu’il osa présumer des choses sur son passé. Si elle était contente pour lui qu’il ait réussi à fissurer sa propre armure, Sheireen trouvait cela terriblement prématuré d’en parler avec lui. Elle décida donc de simplement éviter la question et revenir au sujet de leur rencontre, lorsqu’elle eut finalement réussi à avaler sa bouchée de gâteau de peine et de misère… Sa gorge s’était un peu serrée dans la dernière minute.

-C’est vrai que c’est trop bon. Si tu veux mon avis, il faudra choisir un autre endroit pour nos rencontres à l’avenir, sinon je vais collectionner les kilos en trop. Surtout que j’oublie tout le temps de manger, c’est un sacré piège cet endroit… tu penses venir prendre le thé et Pouf! Tu te goinfres… affirme-t-elle en forçant un rire pour changer sa propre humeur, tout en essuyant ses mains sur une serviette propre avant de farfouiller dans la pile de livres à la recherche du dernier roman mystère qu’elle avait lu. C’est toute une collection assez géniale, où tu suis les enquêtes de ce mec, mais il est journaliste en fait, pas enquêteur. Donc il cherche du sensationnalisme tu vois? Et bah… il le trouve. Ou alors le sensationnalisme le trouve lui, il a le don de tomber sur des histoires atroces. T’inquiète, ce n’est vraiment pas de l’horreur, c’est plutôt un roman historique, parce que ça se déroule au milieu des années 1800 au Canada, mais les enquêtes sont très sombres, avec des dénouements terriblement complexes. Ah, et tu vas aimer son humour, à Joseph, il va te plaire je crois, précise-t-elle avec un sourire en coin en pensant à tout le sarcasme que pouvait proférer le protagoniste de la série. Il vit avec sa sœur, ils sont tous les deux célibataires et « vieux garçons » « vieille fille », fait-elle en mimant des guillemets avec ses doigts, faute de bon goût en la matière dans le cas de Joseph, tu vas voir ce que je veux dire si tu le lis. Heu… je vais te laisser te faire ta propre impression en lisant le résumé et quelques pages, pendant que je mange?

En fait, elle commença à manger tout de suite, mais elle continuait de fouiller dans ses livres en les classant en piles propres par genre, mettant de côté tout de suite ceux qu’elle croyait qui pourraient plaire à Hulrick.

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