Les potions, c’est pas ce que je préfère, mais, curieusement, c’est ce que je réussis le mieux. Sérieux, c’est pas compliqué. Je sais pas pourquoi la plupart des élèves en font tout un plat. C’est comme la cuisine, j’aime cuisiner. Il suffit d’avoir une mémoire exercée, une bonne organisation, d’être un peu méticuleux, mettre les ingrédients dans l’ordre, c’est pas sorcier. Même un moldu ou un cracmol pourrait le faire. Mais voilà, je pense que tout le monde trouve ça barbant. C’est sûr que pouvoir lancer des sorts pour tout rend vite paresseux. Moi-même, suffit de voir la tête que je fais quand je dois transporter toutes mes affaire dans le monde moldu sans pouvoir utiliser Locomotor barda.

Cette fois comme la plupart du temps en cours de potion, j’étais enthousiaste, concentré et appliqué à la tâche, méticuleux. C’est relaxant en fait, on focalise, une tâche à la fois, pas de surprise, enfin, normalement pas de surprise. D’ailleurs à côté de moi y’a cette fille de Griffondor qui est fortiche en potion aussi. Je sais d’ailleurs pas comment elle fait parce qu’il faut de la précision et de la rigueur alors qu’elle est d’une maladresse récurrente. Y’a qu’à la voir en cours de sortilèges, ça fait souvent des étincelles, hé hé hé… N’empêche, à la fin, elle est souvent dans le trio de tête des notes en potion. Donc je suis plutôt content de sa compagnie.Être entre bons potionistes, ça motive.

Mais je suis trop absorbé à fixer ma propre potion et guetter son changement subtil d’aspect pendant que je touille, pour m’apercevoir de la tête qu’elle fait, et de son touillage trop… énergique ! Si bien que  je suis le premier surpris quand je me sens soudain heurté et poussé fortement, perds l’équilibre, et pars valdinguer lourdement à terre, m'étalant de tout mon long empêtré dans ma robe de sorcier, entraînant avec moi mon propre chaudron qui se renverse et répand la majorité de son contenu sur le sol.

- Ouch ! Mais… Heeeeeeeeeyyy !!!  Badaboum, Clong ! Gling , sploutch !

Quand je réalise le désastre, quelques secondes après l’atterrissage, je panique, aussitôt submergé par les émotions. Je me sens d’abords outré de voir saboté mon travail méticuleux... puis affreusement gêné d’être étalé là, à la vu de tous, comme un idiot. J’en rougis instantanément, les larmes me montent aux yeux et mes oreilles me chauffent. Je vais avoir une mauvaise note et c’est même pas de ma faute ! Puis viens la colère, comme je regarde cette GOURDASSE ! PUTAIN !!!! Qui m’a tout fichu en l’air !! Et sa main ridicule tendue vers moi, et ses piètres excuses bafouillées…  J’ai juste envie de lui aboyer dessus avant de fondre en larme ! Je sais, à 16 ans, c’est la honte mais c’est tout ce que je ressens en cet instant fatidique où je la fixe d’en bas, avec toute la détresse et la colère du monde dans le regard…

Les secondes passent... interminables, où je ne bouge pas, paralysé, divisé entre mon refus de la pardonner, et l’envie furieuse de la traiter de grosse truie violette en lui postillonnant à la figure ! Tout en retenant mes larmes pour par avoir l’air encore plus couillon à pleurer devant toute la classe. Mais, vu la tête que je fais, c’est tout comme si je pleurais à chaudes larmes. Je suis sonné par mon conflit interne alors que les exclamations moqueuses et les rires commencent à fuser. Finalement, je redresse mon chaudron sur ses pattes, puis me relève lentement en essuyant ma main gauche souillée sur ma robe, ignorant sa main offerte, pour bien marquer combien je suis offensé. Mais en dépit de la tempête émotionnelle qui fait rage en moi, dès que je croise son regard, j'ai de moins en moins le coeur d’en faire d’avantage pour marquer ma colère. Je me sens de plus en plus désarmé, et trouve de plus en plus injuste de la couvrir d’opprobre, sa maladresse n'étant évidemment pas volontaire.

Aussi, toujours aussi rouge et sur le point de pleurer, je cherche quoi répondre sans trouver. Je voudrais sortir une réplique toute pleine de répartie, classe et drôle à la fois, qui la rabaisse juste ce qu’il faut et qui me sauve la face, mais… tout ce qui me vient et sort malgré moi avec une voix étranglée et voilée par l’émotion, c’est…

F… furoncle de Troll ! T’as pas oubliée d’être g... gourde toi ! Pffff !!! T'ain ! Tu fais SUER !

Avec un regard qui essaie sans grand succès d’être plus féroce que dépité, planté dans le sien, tandis que j’essuie d’un pouce une larme qui allait déborder de mon œil. A ce moment-là une voix derrière nous chantonne "Owlet à encore fait une omelette... Owlet à encore fait une Omelette..." Autant je la trouve marrante quand elle fiche le bordel dans les autres cours avec ses catastrophes – et tant que ça tombe pas sur moi - autant là... ça me fait plus rire du tout. Enfin, pas jusqu’à ce que ma jambe droite glisse soudain sur la potion répandue dans laquelle je marchais, et que je bascule brutalement en arrière, atterrissant sur mes fesses. Là mes nerfs lâchent, et je pars dans un fou-rire nerveux,

Boum ! - Ouille ! Oh naaaaan ! Haaaaa ! ha ! Ha ! Ha ! ha ! Ha... Ha...  Ha...

Et toute la classe part alors aussi dans un fou-rire sonore. Si j'étais rouge, je suis maintenant coquelicot.    

J’ai chaud, je me doute que je suis tout rouge, et tout le monde qui se fiche de nous. Si l’enfer existe, ça ressemble à ça, non ? Enfin, sur le coup, on encaisse, pas le choix. Alors je serre les fesses et les dents et j’attends que ça passe. Mon rire finit par s’éteindre à peu près en même temps que ceux des autres élèves riant de nous, aidés par l’intervention du prof de potion qui réclame le retour au calme. Un ou deux rires persistent encore... Y’a toujours des élèves plus excités, qui ont plus de mal à se calmer, mais je me relève et tente de regarder dans mon dos en me contorsionnant par dessus mon épaule, voir combien j’ai taché ma robe de sorcier en m'asseyant dans la potion par terre..

Je ne sais pas quoi faire au juste. J’hésite entre exiger que tu répares tes bêtises sur le champ, sans participer moi même... ou me débrouiller tout seul pour le faire. J’ignore d’où te vient d’être aussi maladroite. J’ai peur qu’il ne s’agisse de quelque sombre histoire de famille qui me regardent pas, et dont tu ne serais pas responsable. Du coup ça me fait un peu pitié. Pour autant il faut bien te responsabiliser. Alors j’ai un dernier soupir agacé, appuyant mon regard mi-exaspéré mi-désolé dans le tien, pinçant les lèvres, je lâche :

- Je te prie de réparer tes trolleries pendant que j’essaie de sauver un échantillon potable. Si j’ai une note pourrie ça sera de ta faute je te signale.
 
Pas encore sur que le proff tiendra compte de ton sabotage. A ces mots je saisis une éprouvette sur mon bureau et m’accroupis pour prélever un peu de potion là où elle me semble la plus normale, puis vais la porter au professeur, qui fait un commentaire :

- C’est pas votre faute Pennington, j’en tiendrai compte pour votre note.

- M… Merci professeur.

Ouf, y'a une justice dans ce monde, je me dis en retournant à ma place.

- Owlet, réparez vos bêtises. Votre note sera pénalisée autant que celle de Sullivan l'est par votre maladresse. Soyez contente que je ne retire pas de point à Gryffondor pour cette fois.

De retour à ma place, le teint toujours assez rose, j'arrange mes affaires, sûr qu’on entendra encore parler de cet incident pendant un moment. Et cette seule idée m’agace déjà fortement. C’est sur qu’on va nous charrier tous les deux avec ça, jusqu’à ce qu’un autre événement plus intéressant vienne effacer celui-ci. Je me retiens de t’aider à ramasser mon chaudron par terre et n’use d’un sort de récurvite que sur ma robe pour la nettoyer.