Ces révélations murmurées étaient douces à ses oreilles de prince. « Je ne suis pas quelqu’un de très courageuse…juste quand cela concerne quelques choses ou quelqu’un qui vaux le coup de se jeter à l’eau. » Winifred parlait tout en sous-entendu. Heureusement avec sa main dans la sienne, ses intentions étaient plus claires. Il en valait la peine ? Peu de gens osait lui parler franchement et il appréciait cependant ceux qui réussissait à franchir le pas. Le pouce délicat de la jeune femme remue doucement dans sa paume et au début, cela la surprit. Voir chatouiller. Mais il avait fini par s’y habituer et plus vite qu’il ne l’aurait cru.
« Tu te coiffes très bien, j’aime voir ton visage quand tu fais ton chignon. » Le sourire de Rajani revint l’espace d’un instant, plutôt fier de sa chevelure dont il prend grand soin avec tout le sérieux dont il est capable. « Merci. » Lui mumura-t-il comme un ronronnement de chat satisfait. Alors qu’elle relâcha sa tresse, il gardait sa mèche de cheveux toute douce entre les doigts comme un talisman et la laissa approcher sa main derrière son oreille pour la remettre en place. Puis les doigts glissèrent sur sa joue et Rajani ferma un instant les yeux, laissant ce contact l’apaiser encore un peu plus. Ou peut-être… était-ce un autre sentiment qui commençait à fourmiller au creux de sa poitrine ?
Quand les doigts glissèrent dans sa nuque, un frisson parcourut la colonne du jeune homme qui n’osa plus bouger l’espace d’un instant. Elle se mordit la lèvre avant de parler. Ce qui éveilla d’autant plus son attention. « Dit Rajani, est ce que je suis la seule qui arrive à t’apaiser de cette façon ? Que ce passe-t-il quand tu es en contact avec les autres ? » Elle avait osé l’appeler par son prénom et cela lui plu. Il pencha la tête sur le côté, réfléchissant à sa réponse car cela lui était souvent difficile de définir ce qui se passait pendant ces moments là. « Tu es la seule. » Finit-il par expliquer en replongeant dans le regard bicolore. « En tout cas, c’est la première fois que c’est si efficace alors qu’on ne se connait pas… Enfin, j’ai compris que tu sembles bien me cerner mais j’ignore pourquoi... »
Au fur et à mesure de la conversation, elle s’était rapprochée de son visage, peu à peu. Si bien qu’il finit par être troublé par cette présence. Ou plutôt, surpris de ne pas s’être rendu compte plus tôt qu’elle pouvait si facilement briser ses barrières et presque le toucher avec autant d’aisance. Etait-ce dû à son contact qui l’apaisait avec autant de délice ? Difficile à dire. Rajani n’arrivait plus à aligner deux pensées cohérentes. Il ne voit plus qu’elle, incapable de réagir alors qu’elle articule ces mots : « Tu me fais confiance ? » Avait-il le choix ? Elle s’approchait déjà pour venir embrasser le coin de ses lèvres et un choc électrique le traversa. Et son coeur se mit à battre très fort. Il posa d’ailleurs sa main sur sa poitrine en écarquillant les yeux de surprise.
Sans pour autant lâcher la main de la préfète. La foudre lui était telle tombé sur la tête ? A priori, non. Il sentait une satisfaction chez la belle, vibrant entre son coeur et le sien. Il tenta de mieux comprendre ce qui lui arrivait. Alors il se pencha vers leurs mains liées, les observa avec attention, passa un doigt de son autre main sur le dos de la main de la jeune femme, doucement. Son coeur s’extasiait sous la caresse, le vivant comme quelque chose d’intense, ne sachant plus si c’était ses sensations ou celle de Wini. « Wini… Je… Ce que tu ressens… » Il commençait à comprendre. Il n’osa pas répondre et posa simplement ses lèvres sur le dos de la main de la jeune femme. Comme un papillon qui ne se serait posé que quelques instants.
Il finit par doucement tendre sa main pour la décoller de la sienne. C’était fou. Comment était-ce possible ? Il perdit son sourire, se laissant absorber de nouveau par ses peines. « Je te fais confiance. Tu m’as prouvé tant de choses ce soir. Il n’y a pas de doute possible. Merci beaucoup pour ça… par ailleurs. » Il se releva et épousseta sa cape de sorcier avant de tendre la main pour l’aider à ce qu’elle se relève à son tour. Il semblait de nouveau très songeur, lointain. A bien y regarder, on pouvait lire de la peur au fond de ses pupilles. Quand sa binôme se relève à son tour, il lui prend les deux mains avec douceur. Mais le regard fuyant. Comme lorsqu’on s’apprête à dire quelque chose de difficile. « C’est fou. Mais… je ne sais pas si… » Il perdait toute contenance ce soir, il eut un petit rire à cette pensée. « Tu me fais vraiment perdre tous mes moyens ! » Il tentait de sourire un peu puis retrouva son sérieux.
Il se fit alors plus menaçant, changeant de masque, fronçant les sourcils pour l’impressionner et la faire reculer d’un pas vers le mur tout proche. Il lâcha ses mains pour la saisir par le poignet, souleva son bras au dessus de sa tête. Il utilisa toute son emprise et il plaqua son front contre le sien, haletant. « La question que tu devrais te poser plutôt... » Il relâcha ses mains, gardant cependant son front collé au sien, se délectant de son contact, sachant qu’elle n’avait pas eu peur malgré tout son manège pour la déstabiliser à nouveau. « … est-ce que je suis un homme qui mérite ta confiance ? » Il s’éloigna un instant, passa à son tour ses doigts le long de la joue, sur le cou, sur l’épaule dénudée avec une fascination non feinte.
Car ce que Wini ressentait, n’était pas de la bienveillance aveugle, une confiance extrême ou une innocente façon de l’admirer. Rajani avait compris, il avait vu dans son coeur. Sa charmante détermination, sa façon de contrôler son coeur qui s’emballait à chacun de leurs contacts, tout cela, ça ne pouvait être qu’une chose. Lui aussi le sentait vibrer en lui, comme un aimant puissant, il voulait la toucher, pas uniquement pour son bien-être, ni pour l’apaiser émotionnellement. Il était déjà accro à sa peau, accro à ce qu’elle lui procurait, accro à elle en à peine quelques heures passées à ses côtés dans ces couloirs sombres où les rayons de lune jouaient à cache-cache. Et dans un élan qui le dépassait, comme si son coeur avait décidé à sa place et se fichait des conséquences que sa tête redoutait, le prince baissa la tête vers la belle et déposa ses lèvres sur les siennes.
Ce fut un baiser brûlant mais doux. Quand les lèvres se scellèrent, sa main se glissa dans la nuque de la jeune femme et l’autre en creux de ses reins, comme pour l’empêcher de le fuir. C’était une telle évidence, son corps prenait feu tellement les sensations étaient intenses. Il ressentait ses envies et se les approprier. Quand il titilla sa lèvre de ses dents, il se délectait de la moindre de ses réactions, s’approchant encore un peu plus du mur, la serrant bientôt désespérément contre lui. L’émotion fut d’une telle ampleur, que le baiser finit par se rompre et le prince eut de nouveau les jambes flageolantes. Il fit de son mieux pour le cacher en prenant appuie sur le mur derrière sa belle. Mais les larmes salés qui avaient refait surface sur ses joues n’en étaient que des preuves flagrantes : il était à la fois heureux et triste.
Heureux d’être accepté et aimé par une jeune femme qui avait su le remettre à sa place et qui était pleine de surprise. Triste parce qu’il était convaincu du plus profond de son être de ne jamais pouvoir la rendre heureuse à son tour.