Curiosité sans limites
Pourquoi est-ce qu’elle perdait ses moyens de la sorte à chaque fois? Si quelques élèves avaient montré leur intérêt pour parler de la littérature moldue qu’ils connaissaient, c’était Soren qui avait ouvert la bouche en premier, et cela déstabilisait Sheireen à tout coup. En face de ce professeur, elle avait toujours l’air d’une parfaite idiote et perdait toute notion de parole, incapable d’enligner deux mots cohérents. Ça avait quelque chose à voir avec son attitude, certainement, le ton, peut-être, allez savoir! Certes, même si la bibliothécaire s’était attendue à des questions similaires à celles formulées par Hastein et y avait même mentalement préparé une réponse à débiter par cœur, elle se retrouva incapable de proférer la moindre explication maintenant.
Elle passe donc quelques secondes béates avec l’air de vouloir répondre, mais comme quelques mains s’agitent autour de la table et qu’elle est désormais dans mot, Lestrange s’évite la responsabilité de répondre à Soren et offre simplement la parole aux élèves présents, dont Winifred et Lucina. La première, elle la connaît pour avoir conversé avec elle quelques jours plus tôt. La seconde, simplement parce qu’elle est une Serdaigle, maison à laquelle Sheireen porte plus d’attention. Bien vite, la bibliothécaire est soulagée de constater que ses deux demoiselles s’offrent non seulement pour répondre à la question posée en introduction par la présidente du Club, mais aussi à celle de Hastein.
Incapable de s’en empêcher, Lestrange soupir de soulagement, acceptant avec plaisir cette porte de salut. En résumé, elles avaient toutes deux exprimé ce qu’elle-même aurait voulu dire, quoi qu’avec un peu plus de verve de la part de Tallin, sans que ça lui déplaise!
-M… merci mesdemoiselles, je n’aurais… pas su dire mieux… chuchota presque la bibliothécaire avec un léger sourire en coin. J’ajouterais… Professeur Hastein… que la curiosité est une qualité à développer sans limites.
Voilà bien une déclaration digne de la Serdaigle qu’elle était! Elle aurait pu ajouter plus de précisions sur ce qu’avaient déjà sous-entendus Winifred et Lucina, à savoir qu’il y avait, entre ces pages remplies d’aventures fictives, des histoires auxquels aucun sorcier n’aurait été à même de penser! Mais elle se disait que c’était peut-être un peu trop pour Soren d’entendre un truc pareil énoncé de la part d’une Lestrange.
Rougissant tout plein comme elle avait l’habitude de le faire dès qu’un tout petit compliment à son égard parvenait jusqu’à ses oreilles, Sheireen posa discrètement sa main sur l’avant-bras de Lizbeth, autant pour la remercier de son soutient… que pour essayer de calmer ses ardeurs, quand même.
-Eh bien, je suis surprise… et ravie de constater que je ne vous ai pas tous déstabilisés autant que je le croyais, Professeur Montgomery. En parlant de zone de confort, je m’étais surtout imaginé que personne autour de cette table n’avait jamais même vu un de ces bouquins. Bref, sortir des sentiers battus n’a jamais fait de mal à personne, que je saches du moins, et comme l’ont si bien souligné mesdemoiselles Fawley et Tallin, il y a des sujets et des visions du monde apportées dans la littérature moldue qui… ne se trouve pas dans la nôtre. C’est cela que je voulais dire, par vous sortir de votre zone de confort. Et cela répond… aussi… je crois… à la question du Professeur Hastein sur ce qui peut être apporté… par ces livres?
Si, en répondant à Lizbeth, son élocution était redevenue tout à fait normal, Sheireen s’était de nouveau retrouvée à bredouiller stupidement en jetant un regard interrogateur à Soren. Pigeant rapidement Le tour du monde en 80 jours qui trônait sur la table (avec bien d’autres Jules Vernes, la bibliothécaire aimant beaucoup cet auteur d’un autre temps) et se mit à jouer avec d’avantage pour s’occuper les mains que pour ajouter un support visuel à ses explications… et parce qu’ainsi, elle pouvait éviter de regarder les gens dans les yeux en prétendant feuilleter le livre.
-Loin de moi l’idée de dénigrer la littérature sorcière, bien au contraire, d’ailleurs, toutes les rencontres du Club ne porteront pas exclusivement sur ma trop maigre collection de livres moldus, évidemment. En fait, il y aura des rencontres où je vous proposerai une grande variété de styles littéraires, afin de vous pousser à aller découvrir quelque chose de nouveau. D’autres où nous nous plongerons tous dans des thèmes ou des auteurs similaires pour pouvoir les comparer les uns aux autres. Bref, j’ai envie d’essayer beaucoup de choses avec vous, mais surtout, d’orienter nos rencontres sur ce qui semble plaire. Car, au final, on est tous là parce qu’on aime les livres, et qu’on veut s’amuser, pas vrai? débita-t-elle rapidement en dérougissant graduellement, puis montra à la ronde la couverture du bouquin qu’elle tenait en main. Pour en revenir à l’imagination, donc… Les récits de voyages, fictifs ou non, sont plutôt pauvres, à mon avis, au niveau de la littérature sorcière, pour la simple et bonne raison que… lorsqu’on peut se contenter de transplaner d’un pays à l’autre, on rate toute la pertinence qu’est le voyage, justement, vous ne croyez pas?
(PS : Je précise la présence de quelques PNJs au cas où des personnages s'ajouteraient en cours de route et pour équilibrer le ratio adultes/élèves XD)