Ma vie

Te voilà à peine né, que tes parents eurent beaucoup d’espérance quant à ton avenir. Ils avaient cristallisé toutes leurs volontés dans ton prénom : 深义(Shēn yì), profonde droiture. Ils voulaient ainsi que tu deviennes quelqu’un avec un code moral, un sens de la justice, comme inscris dans tes instincts. Ce nom se devait d'être une protection contre la terreur de la seconde guerre sorcière, contre le mauvais chemin. C’était une promesse de ton avenir brillant.

Qu’avaient vécu tes parents pour être autant traumatisés par cet épisode de leur vie ? Que c’était-il passé pour qu’ils craignent autant la magie noire ? Pourquoi, dans la famille Zhao, jamais un mot en rapport avec la seconde guerre sorcière n’était mentionné ? Tout simplement parce que cette guerre avait brisé la famille Zhao en deux. Et si aujourd’hui, tout semblait aller mieux, tu avais rapidement appris que ce n’était pas le cas. La preuve la plus concrète de cette fracture résidait en une seule personne : Enzo Zhao, ton oncle paternel, emprisonné à Azkaban. La famille prononçait toujours son nom à demi-mot, encore effrayé par ses actes. Comment lui, un Zhao, un sang-mêlé de surcroît, avait pu fraterniser avec cette idéologie de pureté du sang ?

Comme n’importe quelle Zhao, tu vis le jour dans la communauté chinoise de Liverpool, à cheval entre le monde moldue et le monde magique, à cheval entre la culture chinoise et occidentale. Tes premières années de vies furent aisées : pratiquement toujours dans les bras de ta mère, tu te laissais pomponné. Et qu’est-ce que tu aimais ça ! Tu étais un enfant-roi : tu n’avais qu’à demander pour obtenir tout ce que tu voulais.

Cela changea bien vite, malheureusement.

À ta première rentrée scolaire à l’école moldue, l’école maternelle, tu rencontras une difficulté de taille : la barrière de la langue. Professeurs et camarades de classe ne parlaient pas le chinois mandarin, mais discutaient entre eux dans un charabia qui t’était étranger : l’anglais. Cette difficulté franchie (à force de temps et d’énergie), une deuxième barrière fit son apparition : la culture. Là où tes camarades jouaient à Merlin et au roi Arthur, tu étais plutôt penché à rejouer le Pérégrination l’Ouest avec Sun Wukong, le moine Xuan Zang. Ne parlons même pas du monde magique, inconnu à la plupart de tes camarades d’alors…

Si seulement tu n’avais rencontré que cela comme obstacle…

Ce fut à ton entrée à Poudlard que ton père, Zhao Qiwen, reprit ton éducation en main. Fini les rêveries et les jeux, terminé le chouchoutage de ta mère… Le chef de famille voulait que son fils devienne quelqu’un de respectable. Pour cela, il fallait surtout des bonnes notes dans toutes les matières, tout en sachant qu’obtenir un « effort exceptionnel » n’était que considéré comme étant « passable ». Comme un bon fils, tu avais donc essayé de répondre aux exigences de ton père… tout en échouant à ses yeux. Tu n’avais jamais assez de « optimale » à son goût. L’avis de ta mère sur cette question ? Elle suivait docilement l’avis de son conjoint : elle aussi, avait été éduqué de cette façon. Il fallait exceller dans tout ce que tu entreprenais.

Tu en vins presque à regretter tes onze premières années de vie. Presque. Poudlard était bon pour une chose : être capable de faire et expérimenter des choses loin des yeux perspicaces des parents… Tu pouvais librement être plus tactile avec tes camarades (vivre sans câlin serait une hérésie), te passionner autant que tu le souhaitais pour la divination, oublier tes manières pendant quelques instants… Une fois, tu avais même tenté de te vêtir de vêtements féminins, chose impensable si tes parents avaient su.

Les manières… Un masque plutôt. Celui du fils « parfait » que tu ne parviendrais peut-être jamais à atteindre… Qu’est-ce que tes parents entendaient-ils même par « parfait » ? Le monde était tout en nuances, comment pouvait-il seulement être lumière ? Oui, parler anglais ne lui était pas encore totalement naturel. Oui, il avait un peu de mal à socialiser avec les autres – enfant-roi que voilà. Oui, il n’avait pas encore de petite amie. Oui, il aimait beaucoup se maquiller.

Mais tout cela était-ce vraiment si important ? Ne pouvait-il pas laisser son futur venir de lui-même ?

Pourquoi était-ce si grave de trouver ses camarades masculins « beaux » ? Il était petit et presque frêle à côté d’eux…